Où va le Sénégal ?

N’eut été la révélation faite par le site d’information en ligne « Nettali » le 16 août 2007, peu de gens auraient su que l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP), procédait en ce mois d’août 2007 à une consultation restreinte en vue de l’attribution d’une licence globale de télécommunications.

En juillet 2004, lorsque fut convoquée à la hâte, à la veille de la fin officielle du monopole de la Sonatel, une journée de concertation sur la libéralisation du secteur des télécommunications, nombre d’acteurs regrettèrent l’absence de visibilité et de prévisibilité de la politique mise en œuvre par l’Etat et réclamèrent la publication rapide d’une lettre de politique sectorielle.

En effet, celle qui avait été examinée et adoptée en Conseil des ministres le 5 février 2004 ne fut jamais rendue publique puisqu’à peine approuvée, elle fut retirée, sans explication, de la circulation. En janvier 2005, une nouvelle lettre de politique sectorielle fut rendue publique en même temps que l’annonce du prochain lancement d’un appel d’offres pour une licence globale de télécommunications (Fixe, mobile et Internet).

Le changement de Directeur Général de l’Agence de régulation des télécommunications (ART) en juin 2005 conduisit à la suspension du processus et ce n’est qu’en novembre 2005, à l’occasion de la deuxième session du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) organisée à Tunis, que le Directeur Général de l’ART publia un communiqué officiel dans lequel il annonçait qu’un cahier des charges en vue du lancement d’un appel d’offres international pour la désignation du nouvel opérateur global de télécommunications était en cours d’élaboration et serait publié en janvier 2006.

Cependant, il n’en fut rien et pendant des mois la situation resta inchangée au motif que l’ART procédait au toilettage du Code des télécommunications, afin que le choix de l’opérateur puisse se faire via un appel d’offres international. Depuis cette date, en dehors des informations faisant état de l’intérêt d’entreprises marocaines, sud-africaines, saoudiennes et chinoises pour l’acquisition de cette troisième licence, aucune information officielle ne fut publiée concernant l’existence d’un cahier des charges. Rencontrant un groupe de députés le 6 août 2007, le Directeur Général de l’ARTP indiqua que le processus était en voie de finalisation et que sept opérateurs avaient manifesté un intérêt pour la licence globale.

C’est par la presse du 16 août , confirmée par le Directeur générale de l’ARTP le 17 août que l’on apprit qu’une consultation restreinte était en cours conformément à l’article 21 du Code des télécommunications avec pour date limite de dépôt des offres le 31 août 2007. Finalement, ce processus, lancé dans la plus grande discrétion le 11 août 2007, a abouti, d’après l’ARTP, à la réception de trois offres fermes, ce qui est bien peu compte tenu de l’enjeu. Officieusement l’ARTP a fait savoir que le recours à cette procédure visait à préserver les intérêts de l’Etat par la maximisation des gains et à limiter la compétition aux opérateurs dont les compétences techniques étaient avérées.

Nous osons espérer que le secteur privé national sénégalais qui réclame depuis toujours qu’une participation à hauteur de 51% lui soit réservée dans le capital du nouvel opérateur, figure parmi les trois soumissionnaires. Au vu des graves manquements constatés sur le réseau Orange au Sénégal, la notion même de partenaire stratégique, sensé apporter avec lui la technologie de pointe indispensable, est devenu peu crédible pour écarter les nationaux. Pour rappel, il n’y avait pas un seul expatrié à la Sonatel au moment de l’ouverture de son capital, et c’est précisément à cette époque qu’elle a bâti l’un des meilleurs réseaux en fibre optique du continent.

Si l’on admet que les réseaux de télécommunication sont aujourd’hui les points nodaux d’enjeux géostratégiques majeurs, on ne peut que s’inquiéter de la manière dont le Sénégal, qui s’est positionné aux premiers rangs de la lutte contre la fracture numérique et dont le Président est à la base de la création d’un Fond mondial pour y remédier, règle une question aussi vitale que l’attribution d’une licence globale de télécommunication.

On est également en droit de s’interroger sur l’existence d’une véritable volonté politique de s’appuyer sur les TIC comme levier important permettant de mettre le Sénégal sur la voie de la croissance accélérée de manière à intégrer la catégorie des pays émergents. Comme à chaque fois qu’il s’agit de prendre une mesure déterminante pour l’avenir de notre pays, la question « Où va le Sénégal ? » posée par Pierre Fougeyrollas en 1970 semble être toujours d’actualité...

Amadou Top - President d'Osiris

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