Le retour de Abass Abass: « On fait pas c’qui marche mais on fait marcher c’qu’on fait »

Quand Abass Abass m’a annoncé la sortie imminente de son 3e album, je n’ai pas pu contenir mon exitation tellement j’avais la nostalgie de bonne musique, d’une musique sans f*&# ni b*%$, consciente et rafraichissante comme il sait si bien le faire.

Disparu de la scène hiphop Sénégalaise depuis plus de deux années, j’avais une multitude de questions à lui poser. Du pourquoi on ne l’entend plus à son engagement pour la communauté. Malgré son calendrier chargé, je suis parvenu à coincer le rapeur entre deux tournages.

Mister Aw : Abass vous connaissez le principe de Open Mic. Je vous pose les questions que je veux et vous repondez sans chichi ni détour. Real talk no Bull..
Abass : Mister Aw tu me connais, je suis un soldat. Let’s go

MA : Ok, cela fait un peu longtemps que vous faites le mort. Qu’est ce qui se passe?
Abass : Le mort ? (rire) Non on va juste dire que j’ai pris du recul pour mieux revenir, car pendant cette période c‘était pas le black-out, mais au contraire je travaillais d’avantage.

MA: On vous a pas entendu lors du fameux débat qui a agité dernièrement la sphère sociopolitique Sénégalaise, les APE. Pas intéressé ou faux débat?
Abass : Tout monde connait mon avis sur ça. C’est juste une carotte après la colonisation

MA : Qui est Abass Abass l’artiste et qui est Abass la personne?
Abass : J’ai l’habitude de dire « je fais mon art et c’est pas mon art qui me fait ». L’artiste Abass Abass est pareil que Abass la personne. Ecoute l’album et tu sauras qui est Abass aka Abass Abass

MA: Parlons maintenant de votre nouvel album. En écoutant vos précédents et le nouveau, je décèle une grande maturité intellectuelle et artistique. A quoi attribuez vous cela?
Abass : Merci, j’espère bien(rire). Quand des années passent, que des voyages se font, on apprend à mieux connaître les être humains et aussi à mieux se connaître. La sensibilité se développe, les priorités changent ainsi que les visions et ça se répercute sur mon art.

MA: Comment considérez-vous votre musique? Dans quelle catégorie la placeriez vous? Abass : C’est du rap galsen et engagé. L’un n’empêche pas l’autre. Sinon je ne me place pas dans une catégorie car je fais un rap à mon image, vrai et sans code. Je fais ce que je sens.

MA: La liberté artistique est quelque chose de très important chez vous Abass. A la différence de beaucoup de vos pairs qui courent derrière les maisons de disques occidentales, vous avez plutôt opté de vous débrouiller tout seul, est ce un choix personnel? Abass : Ecoutez un homme sans sa liberté n’est rien du tout. La vérité absolue appartient a Dieu. Quand j’ai eu des propositions des maisons de disque ou de label qui étaient séduits par ma musique, j’ai dit non parce qu’ils voulaient me formater selon leur style.

MA: Vous avez refusé ?
Abass : Oui car je suis d’abord un croyant et qui dit croyant dit craint rien à part le Bon Dieu. Dès qu’on parle d’artistes africains, les labels occidentaux pensent à « main d’œuvre » pour pas chers. Moi je suis de cette génération qui n’a aucun complexe, qui croit en soi et qui pense qu’on ne doit pas rabaisser ses idées pour mettre en valeur celles des occidentaux. La preuve, c’est qu’il y’a des produits de maison de disque qui marchent pas et les exemples sont très nombreux. C’est pourquoi je me suis dit que je n’avais pas besoin d’eux et j’ai monté ma structure "Débrouille Urbaine". Aujourd’hui je suis indépendant, je fais ce que je veux et comme je le sens. Au moins une chose est sure..Que ça marche ou pas, je vais pas me nourrir de regrets.

MA: C’est "Débrouille Urbaine" qui s’occupe de toute la logistique alors ?
Abass : Non, la distribution est assurée par PIAS et SONY s’occupe de l’édition.

MA: Combien est-il important d’exprimer et de partager votre culture et votre identité dans vos chansons?
Abass : Pour moi c'est une priorité qui s’est faite naturellement. Même si je rap en français, mon image et ma morale restent parfumées de ma culture et c’est ça qui me permet de faire la différence. Sans sa culture et sa personnalité on est léger, perdu et pas du tout intéressant.

MA: Je sais aussi Abass que vous revenez sur la scène avec un tout nouveau concept. Pouvez vous nous m’en parler.
Abass : C’est vrai en ce moment on veut ramener ça à un autre niveau. Musicalement on veut partir plus loin. Donc en ce moment on travaille un nouveau format avec un DJ et un autre avec une band ou orchestre pour les grands festivals et franchement, c'est le pied.

MA : Classik Soul est un son très original. Qui ou qu’est ce qui vous inspire généralement quand vous écrivez vos textes?
Abass : Merci encore(rires). Ce qui m’inspire c'est tout et tout le monde. Les débats, les reproches, les différentes idées, mon vécu, la vie autour de moi, la société etc….J’écris le plus souvent au studio, mais avant ça j’ai mes rimes que je travaille a tout moment dans ma tête sauf quand je dors (rires). Quand je vais au studio je prends ces rimes ou idées que j’ai dans la tête et je les couche sur papier. Un texte sera spirituel quand je baigne dans une ambiance de sagesse comme le mois de ramadan. Il sera engagé quand je regarde le journal télévisé et que je vois des injustices, ou que des flics me font perdre mon temps dans la rue parce je suis un noir avec des locks. Il sera nostalgique parce que ça fait longtemps que j’ai pas été a Dakar et que mes parents me manquent terriblement.

MA: Comment un artiste sénégalais vivant en Occident perçoit-il le rap Galsen? Abass : Les artistes ont beaucoup évolué, mais l’artiste n’est rien sans la structure qui va avec. Enregistrer un bon album c'est la première étape, il faut ensuite une bonne distribution, un bon management et surtout une très bonne communication, malheureusement c'est pas souvent le cas .

MA: Prévoyez vous d’être distribué au Sénégal après la sortie de l’album? Abass : Oui c’est sur !

MA: Quels artistes Galsen figurent dans l’album? Abass : Il y a Didier Awadi qui est une référence, El hadj Noumoucounda, Mafal, Daby , Simon Sénégalais et good.d.man etc…qui partagent tous le même combat que moi. Il y’a aussi beaucoup de compositeurs Sénégalais tel que Mao, Doctor X, Lawkick etc..

MA: Pensez vous que vous faites le nécessaire pour promouvoir le galsen hip-hop en France? Abass : Je me bat tous les jours pour ça. Sur mes scènes, les premières parties sont toujours des rappeurs galsen. Cependant la meilleur manière de représenter le rap galsen serait de faire un bon album qui fasse la fierté des miens. Dans ma communication j’insiste toujours pour qu’on dise que je ne fais pas de rap français mais du rap galsen en langue française.

MA: Qui est votre rappeur sénégalais préféré?
Abass : Franchement question très très difficile. J‘ai des références. Techniquement je dirai NIX, dans le style et le flow SHIFFAI, BLACK G. Pour l’écriture je dirai IBA de RAPADIO.

MA: Vous faites partie des ténors du rap Africain avec Awadi, Daraa J, Nix, Wageble etc.…. Aujourd’hui pensez-vous que le rap Galsen a vraiment une chance de sortir du cadre régional Ouest Africain dans lequel il patauge depuis des années pour conquérir le marche Européen ou Américain?
Abass : Rien n’est facile mais je pense que on est tous des êtres humains et tout ce qui sort d’un cœur peut en toucher un autre. Les Américains nous ont conquis musicalement l’inverse aussi peut se produire car le talent c'est pas ce qui manque. Mais il faut être ambitieux mais aussi avoir les structures qui pourraient nous mettre en valeur. Nous devons faire de ce game une vraie entreprise avec une bonne communication pour chaque artiste qui sort une bonne distribution,. Combattre aussi le piratage et créer des structures culturelles. Et pour cela, le soit disant ministre de la culture devrait aussi faire quelque chose, il y’a même pas de vraie salle de concert au Sénégal.

MA: Le récent concert de Morgan Heritage à Dakar a draine du monde, beaucoup de monde poussant Xuman à déclarer que vu le nombre de personnes qui se sont déplacées, les artistes étrangers sont beaucoup mieux traites au Sénégal que les artistes locaux. Votre avis?
Abass : Moi je pense qu’il y’a toujours un certain complexe d infériorité de l’africain par rapport a l’Europeen. Même si on se refuse à le voir, cela se sent a tous les niveaux. Personnellement depuis que je vis en France je le vois à travers les yeux des miens lorsque je vais au pays. J’ai accès a plus de choses maintenant que du temps ou je vivais labas. Par exemple pour le foot on ne va jamais respecter un entraîneur de chez nous. Akon avec la même musique qu’il fait, n’aurait pas été aussi sollicité si c’était un local. Après tout, c est normal que les gens se déplacent si nombreux au stade car Morgan Heritage est un groupe mythique qui fait de la très bonne musique et partout ou il passe c’est la même chose..

M A: En quoi un label comme Propagand’Arts peut il aider a améliorer les choses?
Abass : Déjà c’est bien de pouvoir exposer des artistes. Grace à Propagand’Arts, j’ai pu découvrir et échanger avec plusieurs autres artistes galsen qui vivent au dela des frontières sénégalaises. Ensuite, le travail de promotion que le label effectue pour faire connaître les artistes sénégalais en dehors du pays est quelque chose que j’apprécie beaucoup. La musique n’a pas de frontières mais il faut aussi un bon support pour que ça se réalise et Propagand’Arts avec qui je travaille étroitement en est un très bon exemple.

Mw: Que pensez vous de Obama qui risque d’être le premier président noir des Etats Unis? En quoi cela est-il important pour les jeunes Africains?
Abass : Déjà ça prouve que quelque par,t les américains sont en avance sur les français car ça ne risque pas d’arriver en France. Comme Modibo Diarra la démontré, il y’a pas de race inférieure, c est juste une question de mentalité. Je pense que c’est bien pour nous jeunes africains. Ca fait plaisir. De toute façon, en tant que Africain, on sait de quoi on est capable. On ne devrait pas avoir besoin de cela pour croire en nous. Peut-être qu’aux yeux des autres, cela nous rend plus crédible.

MA: La rumeur disait que vous aviez coupe vos dreads. Je vois que vous les arborez toujours fièrement. Etes vous un rasta ou est-ce juste votre style?
Abass : Je vais pas répondre et nourrir la rumeur. Non je suis pas du tout rasta. Les locks, c est un feeling qui m’a pris. Affaire de boy disco (rire), rien de spirituel.

MA : Abass est t-il marie?
Abass : Marié contre qui ? Non je rigole. Pas encore .

Mister Aw : Mot de la fin?
Abass : L’album « Dix commandements » dans les bacs le 10 mars inchallah. J’espère que ça plaira a tout le monde.

Source : Propagand’Arts Medias International/Seneweb.com.

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