El Hadji Mama Casset, president de la federation des Senegalais de Lombardie: "Beaucoup de Sénégalais pensent au retour"

Président de la fédération d’une trentaine d’associations d’immigrés sénégalais vivant au Nord de l’Italie dans la ville de Lecco, Elhadji Mama Casset revient avec "La Sentinelle" sur les grandes lignes de leur projet d’investissement au sénégal. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il revient sur les problèmes auxquels ils font face en Italie.


Pouvez-vous nous présenter votre structure et les objectifs qu’elle s’est fixés ?
Elhadji Mama Casset : Notre fédération regroupe trente associations de Sénégalais vivant en Italie du Nord. Le but de cette structure est de s’occuper des problèmes concernant le regroupement familial, les mariages, l’acquisition des titres de séjour, la traduction de documents, bref toutes les questions liées à l’immigration. Nous nous chargeons également d’orienter nos compatriotes sur certaines questions juridiques. C’est une structure qui permet aux sénégalais d’intégrer facilement la société italienne.

Nous jouons le rôle d’interface entre l’administration italienne et les immigrés. Le fait de nous regrouper en associations nous a offert plusieurs opportunités. Aujourd’hui, nous pensons et agissons ensemble, ce qui nous a permis d’avoir une certaine crédibilité auprès des autorités italiennes et sénégalaises. A notre actif, nous avons fait plusieurs œuvres humanitaires dans certaines localités du pays.

Quels sont les problèmes auxquels vous faites face généralement ?
Elh M. C. : Le problème le plus fréquent est le regroupement familial. Beaucoup de nos compatriotes, après un séjour à l’étranger, souhaitent amener leurs conjoints et leurs enfants. Sur cette question, la procédure au niveau des autorités italiennes ne pose pas beaucoup problèmes, car il suffit d’être en règle, d’avoir un lieu de résidence susceptible de les accueillir, un travail stable et des revenus capables de les prendre en charge. Mais c’est au niveau du Sénégal, que l’on note le plus souvent des blocages.

L’autre problème c’est celui des clandestins qui entrent de manière irrégulière sur le territoire italien. Dans ce type de situation, nous jouons le rôle de médiateurs pour éviter qu’ils ne soient pas rapatriés. Toutefois, il faut noter que notre marge de manœuvre est limitée dans ces cas. Le troisième problème est, celui de la deuxième génération de sénégalais qui sont nés en Italie. Pour éviter qu’ils perdent leurs racines culturelles, nous essayons, avec l’aide des autorités italiennes, de leur apprendre leur langue maternelle, mais aussi le français. D’ailleurs, à ce propos, nous avons sollicité le ministre des sénégalais de l’extérieur pour l’ouverture d’une école française à Milan.

Vous avez parlé tantôt du regroupement familial, est ce que l’Italie ne risque pas de durcir sa législation sur cette question comme l’a fait la France ?
Elh M. C: Vous savez qu’en matière d’immigration, chaque pays de l’Union européenne dispose de sa propre législation. Il n’existe pas une position commune comme c’est le cas pour la politique agricole. Il faut savoir que les exigences de la France en matière immigration ne sont pas les mêmes que celles d’un pays comme l’Italie ou l’Allemagne, confrontés à un vieillissement de leurs populations. Jusqu’à présent, l’Italie a besoin de l’immigration. Ensuite, sur le pan social, on s’est rendu compte que le regroupement familial permet de stabiliser l’immigrant et facilite son intégration.

De plus en plus les immigrés préfèrent la destination italienne pourquoi ce choix ? Est-ce que cela ne risque pas d’entraîner une saturation ?
Elh M. C : On constate, depuis quelques temps que les immigrés, surtout africains, préfèrent l’Italie, en raison de la souplesse de sa législation en matière d’immigration. Evidemment, cela entraîne des difficultés pour la régularisation des sans-papiers. D’ailleurs, pour éviter que la situation devienne incontrôlable, le gouvernement italien a pris des mesures visant à endiguer l’arrivée massive d’immigrants sur son territoire. Nous aussi, nous connaissons des problèmes qui résultent de cette situation.

Vous qui travaillez dans les services d’accueil, comment vous vivez le phénomène de l’immigration clandestine ?
Elh M. C: C’est une situation très pénible, car beaucoup de nos compatriotes sont concernés par ce fait, puisque le Sénégal est le principal lieu d’embarquement de ces pirogues de fortune. Le message que je veux donner aux jeunes sur ce point, c’est de leur faire comprendre que l’Europe n’est pas ce qu’ils imaginent. L’immigration est une aventure très difficile et faite de moult privations. Nombres de Sénégalais pensent aujourd’hui au retour, du fait des dures réalités auxquelles ils sont confrontés. C’est une situation qui est humainement insoutenable. En Espagne, beaucoup de nos compatriotes venus clandestinement sont sans abri et sont obligés de mendier pour survivre. Dans le cadre nos discussions, nous ne cessons d’échanger sur la question pour sensibiliser nos frères restés au pays. C’est une aventure périlleuse qui ne vaut pas la peine.

La gauche italienne avait avancé une proposition pour le financement des projets des immigrés qui désirent retourner au pays. Qu’en est il exactement ?
Elh M. C: Il s’agit d’une proposition faite aux immigrés en situation irrégulière, pour les aider à retourner dans leurs pays d’origine. C’est une assistance financière en vue de soutenir leurs projets de retour. Actuellement, il existe une proposition de loi en ce sens, qui doit être présentée à l’assemblée italienne. Cela fait partie du paquet de mesures que le gouvernement italien veut mettre en œuvre dans le cadre de sa politique d’immigration.

On constate que les immigrés investissent le plus souvent dans l’immobilier. Est-ce que vous pensez à investir dans d’autres secteurs plus pourvoyeurs d’emplois ?
Elh M. C: Nous travaillons pour aller dans cette direction, mais ce qui manque dans ce pays, c’est des structures susceptibles de nous informer, de nous accueillir, de nous orienter. L’Apix est là mais, cette structure est plus orientée vers les grands investisseurs. Beaucoup d’associations d’immigrés sénégalais ont réuni des fonds mais elles se heurtent toujours aux mêmes problèmes. D’ailleurs, il faut comprendre que si l’Italie est devenue ce qu’elle est, c’est grâce aux petites et moyennes entreprises.

Dans sa partie nord, la Lombardie, qui est la plus riche, le potentiel économique est constitué de petites unités industrielles. Les immigrés ont besoin d’un accompagnement, car la plupart d’entre eux n’ont pas la culture de l’investissement. La volonté d’investir au Sénégal est manifeste et nous nous organisons en conséquence. Pour les 30 associations que compte notre fédération, chacune versera trois milles (3000) euros, ce capital est destiné à l’investissement. De même, l’organisation internationale pour l’émigrant, dont Ndioro Ndiaye est la présidente, et des banques italiennes, oeuvrent dans ce sens. C’est une idée en gestation, qui a reçu l’accord de principe de nos partenaires étrangers, et nous allons le soumettre aux autorités sénégalaises pour voir comment le concrétiser.

Comment appréciez-vous l’initiative de l’Apix qui veut prendre des mesures pour la création d’entreprise en 48 heures ?
Elh M. C: Cette idée en tant que telle, est une bonne chose, car elle répond aux préoccupations des investisseurs qui jugent de manière globale les procédures administratives trop lourdes. Cependant, il faut déterminer les contours juridiques et les garanties en termes d’efficacité. Pour le moment, on attend de voir. Nous allons entrer en contact avec l’Apix pour se renseigner sur les opportunités qu’offre cette nouvelle proposition.

On remarque que beaucoup de sénégalais sont dans des affaires illicites en Italie. Comment vous appréhendez ce problème ?
Elh M. C: Partout où se trouvent des hommes on note des bons et des mauvais, des gentils et des méchants. Les immigrés qui ont opté pour la vie facile portent atteinte à toute leur communauté sans le savoir. Pour cela, nous faisons un travail d’information car c’est une situation qui nous affecte tous. Les gens ont tendance à généraliser certaines pratiques, à l’assimiler à une race ou à une communauté. Quand quelqu’un commet un délit, souvent on fait allusion à sa communauté. C’est pourquoi nous ne manquons aucune occasion, pour sensibiliser nos compatriotes.

Comment appréciez-vous la collaboration du ministère des sénégalais de l‘extérieur ?
Elh M. C: Dans l’assemble, c’est un bon partenariat. Mais le problème est qu’il ne dispose pas de moyens suffisants. C’est bien de consacrer un ministère aux Sénégalais de l’extérieur, mais il faut lui donner les moyens. Nous sommes en étroite collaboration avec la ministre comme nous avons eu à le faire avec ses prédécesseurs, mais ils font tous le constat de ce manque de moyens.

Source: La sentinelle

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