Ndèye Seck, une percussionniste en chef parmi les hommes

Ndèye Seck, 30 ans, est si effacée qu'elle se fond dans le paysage. Mais tout change dès qu'elle s'installe derrière un tam-tam: elle est percussionniste en chef et l'une des rares femmes de cette profession encore très conservatrice au Sénégal.

"Ce n'est pas facile, mais j'ai la chance de travailler avec des gens ouverts ici", affirme à l'AFP la musicienne menue, rencontrée à Toubab Dialaw à 50 km au sud-est de Dakar.

"Au début, on me mettait toujours derrière. Je me suis toujours dit: +pas de souci, j'apprends+", ajoute cette fille de griots, membre de la troupe Jant-Bi (Le Soleil) dirigée par la chorégraphe franco-sénégalaise Germaine Acogny.

Sa passion pour les tam-tams date de son enfance, dit Ndèye Seck.

Elle accompagnait son grand-père, lui aussi percussionniste, "animer" des rassemblements festifs à Thiès, sa ville natale, à 70 km de Dakar. Une passion que sa famille a "tolérée" jusqu'à ce qu'elle annonce sa décision d'en faire son métier, après avoir abandonné l'école en dernière année de primaire.

"Ce n'était pas facile parce que je suis la fille aînée. J'ai deux frères et deux soeurs" à qui il fallait montrer le bon exemple, raconte la jeune femme, arborant un piercing au sourcil gauche et de longues dreadlocks à moitié cachées par un fichu.

Elle a joué seule devant un public pour la première fois en "1992-1993", parce que son grand-père ne pouvait honorer un de ses rendez-vous d'animation.

"Je me suis dit: +je prends le risque, c'est moi qui vais diriger le rythme+. (...) Puis il est arrivé, il m'a dit: +tu peux aller loin avec ça. Je t'ai écouté, ce que tu as fait est très bien+", poursuit-elle.

La bénédiction du grand-père --accueillie comme une reconnaissance de son talent-- pousse la jeune femme à persévérer dans le "sabar", tam-tam à long fût qui se joue avec une main et une fine baguette, parvenant à arracher à cet instrument typique du Sénégal une large gamme de sons.

Mais elle ne commence vraiment à voir le bout du tunnel qu'avec sa rencontre avec Germaine Acogny, qu'elle appelle "maman". "C'est (elle) qui m'a amenée à Toubab Dialaw. Je travaille avec elle depuis 1998. Aujourd'hui, je ne fais que de la musique. Je gagne ma vie avec ça, et je nourris toute ma famille à Thiès."

Au fil des ans, les deux femmes ont noué une complicité perceptible lors des cours de danse ou prestations de Mme Acogny. D'un geste ou de quelques mots, la chorégraphe donne le signal à la percussionniste en chef qui, à son tour, entraîne son équipe --rien que des hommes-- dans une explosion d'énergie.

Entre les "tadj, tadj", "guinn, guinn" et "wramba, wramba" de la batterie de percussions, on l'entend dire: "Han!", "Plus haut!" ou "Moins vite!", les yeux rivés sur la chorégraphe exécutant des figures compliquées.

Ndèye Seck, qui a également appris la danse, demeure la seule femme parmi les musiciens de Jant-Bi. Et aussi l'une des rares femmes percussionnistes dans le pays, à l'exception de celles formées par le célèbre maître tambour Doudou Ndiaye Rose.

Cela va sans doute changer dans quelques années, puisqu'elle forme aux percussions une dizaine de filles de "16-17 ans" au sein d'un groupe: "Battou galène-bi", "la voix de la baguette".

En attendant, pas de place pour autre chose que la musique dans la vie de cette jolie célibataire. Elle "évite les garçons (et) toutes les mauvaises choses" parce qu'elle "veut aller loin", dit-elle.

Loin, jusqu'à la concrétisation de son rêve: "ouvrir une école pour aider les jeunes et bien former les filles à la percussion. Parce qu'il y a beaucoup de jeunes derrière nous qui veulent apprendre."

Source: Radio France

Aucun commentaire:

 
{http://www.leboytown.blogspot.com/}.