Dernier interview de Laba Soce

Interviewe par l'Observateur le 13 juin dernier, Laba Soce etait cloue sur un lit d'hopital et deplorait deja sa solitude et son besoin de voir ses pairs artistes lui donner un soutien non pas financier, mais surtout moral. Afin de celebrer cet illustre fils du Senegal et surtout pour permettre aux jeunes generations de connaitre qui est vraiment Laba Soce, le Blog du Boy Town vous offre son dernier interview.


À 64 ans, le maestro Laba Socé est vieux certes, mais le poids de la maladie lui donne plus de 90 ans ! Hospitalisé à Fann depuis une semaine, il nous a contacté pour lancer un cri du cœur. Il se sent seul et préfère que l’on vienne l’encourager dans cette mauvaise passe que d’attendre son décès pour lui rendre hommage.

Le vieil homme se retrouve tout seul dans une petite chambre d’hôpital. Personne n’est à son chevet… Sauf quelques salseros qui sont passés le voir avant-hier soir. L’homme qui a tenu à nous raccompagner jusqu'à la porte de la clinique sise au Bloc des maladies infectieuses de l’hôpital Fann, nous a lancé une phrase qui traduit toute sa solitude dans sa maladie : «Je retourne dans ma prison».


Quelle maladie avez-vous ?
C’est-à-dire bon ! j’ai…Une maladie infectieuse. Alors tout d’abord, j’ai trop négligé ça, c’est devenu comme une angine. Mais comme ça ne m’empêchait pas de chanter, je me disais que ce n’était rien. Et ça a commencé à devenir grave. Je me suis rendu en Gambie pour me soigner mais ça n’a pas marché. Et là, avec mon âge, j’ai peur, j’ai touché notre ministère de tutelle et le BSDA. Alors ils m’ont envoyé un billet d’avion. Arrivé à Dakar ils m’ont pris en charge et je suis là ( à l’hôpital Fann) et l’on va voir comment ça va se passer.

Mais concrètement votre maladie infectieuse, c’est quoi ?
C’est la gorge.

Pour cette maladie, l’Etat vous a pris en charge, mais dans la vie de tous les jours, est-ce qu’il vous prend en charge ?
Oui !oui !oui ! ils font ce qu’ils peuvent. Oui ! il ne me manque rien, financièrement parlant. Il n’y a pas d’histoires, ils m’ont mis de très bonnes conditions, surtout la dame du BSDA Madame Siby.

Mais quelqu’un comme vous, un monument international, n’a-t-il pas besoin de plus que ça ?
C’est-à-dire ?

Mais ce qu’il faut pour bien vivre, par exemple un revenu qui vous permet d’être à l’aise, une maison etc.
Oui ! mais… c’est peut-être parce que vous ne me connaissez pas bien. Mais j’ai une maison en Côte-d’Ivoire. Comme j’ai fait 11 ans là-bas, j’y ai beaucoup investi. En Gambie, c’est la maison familiale et papa et maman sont décédés. Je suis responsable de mes enfants, Dieu merci, ils sont grands et sont devenus des magistrats et autres. Au Sénégal ils ont des BM de belles maisons, mais ce n’est pas ça qui intéresse.

Mais aujourd’hui, malade et hospitalisé ne vous sentez vous pas tout seul ?
Si ! (comme s’il n’attendait que cette question), très bien. Je me sens trop seul, parce que je ne connais pas cette vie-là. Et encore aujourd’hui, ça va, parce qu’hier les Pape Fall, Nicolas Menem, Balla Sidibé…les autres quoi, ceux que j’ai formés, mes jeunes frères dans la musique, sont venus me tenir compagnie pendant plus de 3 heures. Hier soir, ils étaient tous là ! Cela m’a remonté la morale, ah ! oui ! parce que là, rester seul ici Bon…(l’air absent, avant de reprendre, sur un ton très triste), vraiment c’est Dieu seul qui peut faire ça. Je suis très fatigué, resté comme ça ! (il ouvre ses bras pour montrer la chambre d’hôpital) vous voyez un peu ce que ça peut faire.

Vous êtes là depuis quand ?
Depuis une semaine.

Et votre traitement va durer combien de temps ?
Non on ne m’a encore rien dit, on n’a même pas commencé à traitement. Ils m’ont juste fait des analyses. Donc, je ne sais même pas comment cela va évoluer.

Vous êtes un doyen et un grand de la musique sénégalaise est-ce qu’à part les salseros vos cadets sont venus vous voir ?
Moi je n’ai vu personne. Mais bon, peut-être qu’ils ne savent pas que je suis là et quand ils le sauront, ils vont venir. Ils sont tous mes petits frères et mes enfants. Même Youssou, je suis sûr qu’il ne sait pas que je suis là, sinon, il serait venu me voir. On a fait le même orchestre!

Quel âge avez-vous ?
Moi ! je suis de 1943. Le 12 mars 1943 (64 ans)

Vous êtes devenus vieux…
Ah ! si !

Maintenant comment revoyez-vous votre parcours?
Mais, moi je ne regrette rien. Parfois quand je me sens seul comme c’est le cas maintenant, plein de souvenirs me reviennent. Moi j’ai débuté la musique en 1963, en Gambie avec « l’African jazz-band ». C’est après qu’Ibra Kassé du Miami, père de Alioune Kassé, m’a fait venir au Sénégal. Nous avons monté le « Star band » l’ancienne formation. Et c’est là que j’ai commencé à avoir du succès et tout ! Et après j’ai fait ma formation et je suis allé à Abidjan, j’y ai fait 11ans. J’ai côtoyé toutes les grandes formations cubaines (comme replongé dans le passé, il parle avec une voix lointaine), tels que : Roberto Pères, Chocolaté, l’orchestra la Cùnùn, Célia Cruz etc. etc. Ah ! oui ! j’étais tout le temps à la Havane avec ces groupes.

C’est pourquoi vous vous sentez seul dans cette chambre d’hôpital sans strass ni paillettes ?
Oui ! vous savez j’ai beaucoup vécu dans ma vie. Je ne suis pas millionnaire, mais j’ai eu tous les honneurs du monde. Ah ! oui ! honoré à travers le monde. Plusieurs fois ici aussi. Et je représente toujours le Sénégal à l’Hexagone et autres. Le président de la République m’a amené à la Havane pour un festival. Il y a aussi Gadio qui est un grand ami… Ah ! ce monsieur, il s’occupe de moi sérieusement, en dehors même de cette maladie. Ah ! vraiment s’il était le président de la République, ce serait très bien, je n’aurais pas eu de problèmes.

Vous n’avez pas de maison au Sénégal ?
Au Sénégal, non !

Pourquoi ?
Parce que ça ne m’est pas venu à l’esprit. Même Abdou Diouf me l’a proposé. Mais comme je ne restais pas tranquille, je n’ai pas fait le suivi.

Donc quand vous êtes ici ou vivez-vous?
Je vis dans les maisons de mes grandes filles à Saly Portudal, Dakar, Dieupeul… Çà et là.

Vous continuez à vous produire ?
Oui !oui !oui ! je me suis produit récemment avec l’orchesta Aragon, l’orchestre national de Cuba. C’est un CD de 16 morceaux qui sera sur le marché bientôt. ( Son visage s’illumine), on a travaillé à Cuba à la Havana !

Vous avez été le premier Africain disque d’or, mais la musique ne vous a-t-il pas permis de vous prendre en charge au point de faire appel à l’état ?
Si, la musique peut me faire vivre et subvenir à tous mes besoins. Mais je pense que j’ai assez travaillé pour le Sénégal, pour qu’ils fassent quelque chose pour moi. Sinon je peux le faire tout seul ou avec mes enfants.

Vous en avez réellement les moyens ?
Oui ! bien sûr, j’ai les moyens, « yes » ! Mais il faut que l’Etat fasse quelque chose pour moi. D’autant qu’il le fait pour des musiciens qui n’ont pas fait la moitié de ce que j’ai fait pour ce pays.

Combien d’enfants avez-vous ?
J’ai 27 gosses. Mais avec des mamans différentes. Les filles il y en a beaucoup, mais les garçons ne sont que 4.

Vous êtes marié actuellement ?
Actuellement… Comme ça !

Qu’est-ce que veut dire comme ça ?
Ça veut dire que je me repose.

Vous n’êtes pas marié ?
(Il sourit), vous savez, maintenant, l’ âge ne me permet plus…(Il rigole).

Vous avez été polygame ?
( Catégorique). Jamais ! Moi je n’ai eu qu’une femme à la fois, de toute ma vie.

Et donc, vos enfants aujourd’hui, comment ils vous voient ?
Ben ! ils s’occupent de moi hein ! Tant qu’ils sont. Qu’ils soient au Sénégal, à Paris, à Abidjan, partout, ils s’occupent sérieusement de moi. Et puis il y a mes filles qui sont mariées ici, elles s’occupent très bien de moi.

Le mot de la fin ?
Dire à mes amis et fan’s que ceci est juste une mauvaise passe et que ça ira peut-être. Mais de toute façon, je rends grâce à Dieu et à son prophète.

Source: L'Observateur

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