Ponction sur les salaires: Illogique, inefficace, contre productif

Quand le salaire réel ne correspond plus au coût de la vie en constante élévation, la logique voudrait que l’on augmente plutôt le salaire réel (pas forcément le nominal) pour le mettre en adéquation avec le coût de la vie. C’est ce qu’on appelle un rajustement du coût de la vie qui sert à équilibrer le pouvoir d’achat.

Visiblement, c’est une logique qui ne prévaut pas au Sénégal, pays atypique où vient de naître une nouvelle logique économique qui procède de l’école "wadienne" qui veut que, plus la vie est chère plus on réduit le pouvoir d’achat tout en menant par ailleurs une politique budgétaire de type "Keynésienne". Il n’y a plus de doute, le Chef de l’Etat rame à contre courant.

Autrement dit, au nom de la solidarité nationale, on agresse le pouvoir d’achat déjà très éprouvé des populations pour prétendre régler un problème du marché. Pire, las des tensions budgétaires suscitées entre autres par une politique budgétaire désastreuse parce que dispendieuse, le Chef de l’Etat impose ainsi au consommateur, en prétendant constituer une cagnotte, de subventionner lui-même, les déséquilibres du marché, au lieu de s’attaquer aux sources du mal qui, en réalité, peuvent être diverses, les causes d’une inflation pouvant en effet être multiples. Aveu d’impuissance.

D’ores et déjà, si l’on va dans le sens du Chef de l’Etat et si tant est qu’il faille constituer une cagnotte pour subventionner les prix du marché, une économie substantielle pourrait être faite rien que sur les dépenses faramineuses et prestigieuses de l’Etat au niveau de ses institutions budgétivores. Ceci aurait en outre le mérite de niveler peu ou prou, sans toucher au nominal des salariés moyens, les écarts indécents qui existent entre les plus nantis et les autres. On voit bien-là que le Chef de l’Etat a raté le coach puisqu’au contraire, à travers sa décision, il creuse même ces dits écarts en réduisant par la même occasion la capacité de consommation (qui est une fonction de la croissance économique) des acteurs sans pourtant que l’on sache d’ailleurs si cela n’est que ponctuel et imparti dans un délai précis. Autrement dit, le problème reste entier alors que les vraies solutions demeurent vierges d’exploration.

La vie chère est un phénomène d’ordre économique, inhérent à l’ordre capitaliste, qui est caractérisé par une hausse de toutes les choses nécessaires à la vie et généralement, par une diminution de la capacité d’achat du consommateur. En d’autres termes, Il ne faut pas seulement mesurer l’étendue, la valeur chiffrée de la vie chère en se basant exclusivement sur le prix des denrées, mais par rapport au pouvoir d’achat du consommateur selon que son salaire réel correspond ou pas au coût de la vie, répétons-le, en constante élévation.

Dès lors, face à une inflation, il convient d’en identifier les déterminants pour pouvoir intervenir. Or, les autorités sénégalaises invoquent trop souvent l’"inflation importée" comme si cela était le seul facteur à prendre en compte.

Il semble pourtant que la première cause du phénomène inflationniste tient aux excès ponctuels de demande par rapport à l’offre (Demande Globale = consommation + investissements + exportations). Le mode de financement des investissements peut également être inflationniste (dans la mesure ou les taux d’intérêt élevés sont systématiquement intégrés dans les prix de vente). Ce phénomène est qualifié "d’inflation par la demande". Dans ce même contexte, une politique budgétaire axée sur la réduction des dépenses et le financement non-monétaire du déficit peut participer à la lutte contre l’inflation par la demande.

La politique monétaire est aussi un élément important et l’excès de création monétaire peut aussi être un facteur d’inflation. L’excès de monnaie ou de liquidité se traduisant par une augmentation des encaisses (avoirs financiers) des agents économiques, cette augmentation entraînera une augmentation des prix et ce jusqu’à ce que la quantité de monnaies en circulation soit égale à la quantité de monnaies nécessaires pour satisfaire la demande de biens. A ce niveau, ne faudrait-il pas interpeller la Banque Centrale qui, dans pareille situation, se doit d’intervenir au niveau de ses taux directeurs pour limiter l’hémorragie (réduction des liquidités de l’économie) ? La banque centrale, pour lutter contre l’inflation, utilise l’arme de la remontée des taux directeurs, qui constitue son principal outil. En résumé, si les prix augmentent trop rapidement, la banque centrale sévit en augmentant ses taux. Milton Friedman, qualifié de néoquantitativiste, n’hésite pas à affirmer que « l’inflation est partout et toujours un phénomène monétaire » (Inflation, et système monétaire, Friedman).

En outre, si une politique des prix à travers un contrôle de ces derniers risque de manquer d’efficacité en raison de son action limitée aux effets mais n’agissant pas sur les causes, une politique des revenus consistant à bloquer les revenus (politique mise en oeuvre par Raymond Barre puis par Laurent Fabius avec désindexation des prix) peut s’avérer pertinente malgré la difficulté à mettre en oeuvre ce type de politique en raison de l’impopularité qu’elle implique. Mais là encore, il faut noter qu’il s’agit plutôt de "blocage" et non pas de "réduction" des revenus ainsi que le Chef de l’Etat veut procéder et qui pourrait entraîner non pas seulement une inflation, mais une stagflation (accélération de l’inflation et de la croissance du chômage).

Source: Sud Quotidien

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