Incroyable: Le Mali en avance sur le Sénégal : Plus de quinze ans de retard à rattraper

Médecins, professeurs, travailleurs d’Ong s’accordent tous à dire que la médecine rurale se porte mal au Sénégal, avec une efficacité limitée. La cause principale en est la pénurie de médecins généralistes de première ligne.

Dominique Desplats, médecin de campagne français et chargé de projet pour l’Ong Santé Sud, constate : «D’après l’Oms, il faudrait un médecin pour 10 mille habitants. Si on divise la population du Sénégal par le nombre de médecins, cela fait 1 médecin pour 19 mille habitants. C’est trop peu, et pourtant ça ne reflète pas la réalité qui est encore plus grave, car il y a une concentration de médecins à Dakar.

Dans les départements, il y a un médecin pour 25 mille, pour 50 mille, parfois même pour 100 mille habitants.» «Alors ce sont les infirmiers qui font les médecins alors qu’ils ne sont pas formés pour ça, les personnels d’entretiens qui font les infirmiers et assurent les activités paramédicales, et l’entretien, personne ne le fait, l’hygiène laisse à désirer. Il faut remettre chacun à sa place en amenant des généralistes», poursuit-il.

Sous la présidence du professeur Abdou Salam Sall, recteur de l’Ucad, des enseignants, des étudiants, des autorités administratives et politiques étaient rassemblés mercredi dernier à l’université, afin de réfléchir aux moyens de résoudre ce problème, et tenter de convaincre les futurs diplômés d’embrasser la carrière de médecins de proximité. Cet effort a été fait au Mali il y a presque vingt ans, et il a été couronné de succès. Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance. Le Dr Seydou Coulibaly, un des pionniers du projet, régale les étudiants amusés d’anecdotes sur ses débuts, lorsque les populations imprégnées du stéréotype du «médecin pour la brousse et de l’infirmier pour les villages», ne comprenaient pas comment un docteur pouvait avoir l’idée saugrenue de s’installer en brousse, et le suspectaient donc de n’être pas un vrai médecin ou d’avoir quelque chose à se reprocher, ce qui aurait entraîné sa fuite de Bamako !

«Mais aujourd’hui, explique-t-il, c’est différent, car maintenant l’association malienne des médecins de campagne compte 112 inscrits, dont 98 œuvrent effectivement en brousse.» Le professeur Lamine Guèye confirme qu’«il y a eu une évolution des mentalités. Maintenant, chaque communauté rurale malienne demande son médecin. Il faut voir la même évolution se produire au Sénégal».

L’obstacle qui aurait pu faire échouer le projet est la pauvreté chronique des familles rurales. Mais les médecins de campagne maliens disent ne pas avoir rencontré trop de problèmes à ce sujet, car les communautés se sont organisées et ont créé des mutuelles, afin que chaque malade puisse être soigné. Bien sûr, encore plus que dans les grandes villes, le médecin est tenu de pratiquer les meilleurs tarifs et de veiller à ce que les ordonnances restent raisonnables. Cela est rigoureusement indiqué dans la charte des médecins de campagne, qui régie leurs obligations.

Etant souvent seul pour plusieurs dizaines de milliers de patients, le médecin de campagne a d’autres contraintes particulières : «Il doit être disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, les 12 mois de l’année», raconte Dr Karamoto Ndiaga, qui exerce dans le milieu rural depuis qu’il a obtenu son diplôme, il y a plus de quinze ans. Il va à domicile, de village en village, assure le suivi des malades chroniques, assiste les vieux… c’est ce qui le différencie d’un médecin de ville.

Cette réussite des médecins de campagne maliens, (y compris financière car les médecins de proximité gagnent en moyenne trois fois plus que les médecins du service public), est encourageante pour le Sénégal, invité à suivre l’exemple de son voisin. Certains projets sont déjà en cours de réalisation dans le Baol, avec le lancement d’une étude de faisabilité qui précède sans doute l’installation d’un médecin de campagne à Diourbel. Le projet malien a été lancé dans un contexte particulier. Pour le docteur Seydou Coulibaly, le Mali devait faire face en 1989 à une surproduction de médecins par l’université de Bamako.

Or, aujourd’hui, c’est le même cas qui prévaut au Sénégal : 287 étudiants sont sur le point de recevoir leurs diplômes dans quelques mois. Et pour Dominique Desplats, il est clair que l’Etat sénégalais n’aura pas la possibilité d’embaucher ces 287 étudiants. Ceux-ci, ou du moins une partie d’entre eux, sont donc encouragés à envisager de mener une carrière de médecins de campagne.

Source: Le Quotidien

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