Pour y installer une nouvelle ambassade : Les Américains achètent la Pointe des Almadies

Quatre hectares dans l’enceinte du Club-Méd : c’est la superficie qui est cédée à la représentation diplomatique des Etats-Unis au Sénégal, qui projette d’y construire sa nouvelle ambassade.

Au-delà du simple constat que les Américains vont mettre la main sur la Pointe des Almadies, et en faire ‘un site extra-territorial’, cette opération entache la mémoire des esclaves et traduit une triste réalité : le pays est livré à des spéculateurs sans scrupule.

Les autorités sénégalaises ont commis ‘une dérive dans la privatisation du littoral’ en cautionnant l’acquisition par la représentation diplomatique des Etats-Unis au Sénégal d’un terrain au sein du Club Med pour l’érection d’une nouvelle ambassade. Le commentaire est d’une source bien informée sur ce qu’on peut qualifier d’opération grandeur nature d’expropriation de cet espace symbolique.

L’Etat du Sénégal a accepté la vente de 4 000 m 2, à un prix non précisé, d’une partie du littoral aux Américains. Du côté de la représentation diplomatique du pays de l’Oncle Sam à Dakar, on ne s’en cache pas outre mesure. ‘Je peux confirmer que nous avons déjà acheté 4 hectares dans les Almadies pour la construction de notre nouvelle ambassade’, soutient la Conseillère aux Affaires publiques de l’ambassade des Etats-Unis au Sénégal, Mme Robin Diallo, qui ajoute : ‘J'espère que cette information est utile.’ En tout cas, sa vente est ‘symboliquement très grave, dénonce notre source, parce que cet espace devrait être libre pour tout le monde. Cette partie de la Pointe des Almadies, souligne la source, est le point le plus avancé de l’Afrique sur l’Océan’. Et, de par sa proximité avec l’Amérique, ‘elle rappelle la plus grande tragédie qu’a connue le continent : la déportation de millions de ses fils.’

Sur le plan géographique, la protection de la Pointe des Almadies relève d’’une question de dignité et de souveraineté nationales’. Elle devrait bénéficier de la même considération que ces ‘extrémités du monde où finit la terre’, à l’image du Cap Spartel, des Colonnes d’Hercule au Maroc, du Cap Blanc, près de Bizerte en Tunisie ou encore du Cap Guardafui en Somalie ou celui des Aiguilles en Afrique du Sud.

La cession d’un lieu aussi stratégique serait pourtant impensable sous d’autres cieux. En Europe, par exemple, les sites symboliques comparables à la Pointe des Almadies comme le Cabo de Roca au Portugal (le point le plus occidental de l’Europe), la Pointe de Raz en Bretagne (France) Lands- End Corncuailles (Grande Bretagne), etc., sont jalousement conservés. Pourtant, les Américains qui aujourd’hui cherchent à mettre la main sur ‘un Finistère, qui ne sera plus protégé’, conservent la ‘virginité’ de l’espace du Cap Race, situé au Canada.

Des voix concordantes dénoncent ainsi ‘une volonté de détruire le Cap sénégalais qui demeure capital pour la diaspora africaine’. Selon elles, il n’est pas acceptable, ne serait-ce que pour la mémoire des esclaves, de ‘prendre la Pointe des Almadies pour en faire un site extra-territorial’. Et pourtant, rappelle une source, des chercheurs de l’Ifan, des techniciens des ministères de la Culture, du Tourisme, de l’Urbanisme et autres universitaires avaient, dès le début des années 70, planché sur la question de l’aménagement et de la sauvegarde de la Pointe des Almadies, lors d’une réunion de la sous-commission Protection des sites et monuments.

Cette préoccupation remonte bien avant les indépendances. Et le procès-verbal ayant sanctionné ladite réunion souligne d’ailleurs que ‘l’Administration coloniale (…) étendait les dispositions de la loi du 2 mai 1930 organisant la conservation des monuments naturels et des sites, sur le modèle de la conservation des monuments historiques. Ainsi, par arrêté du 10 août 1942, la Pointe des Almadies était classée dans sa totalité…’.

Avec cette nouvelle donne, la crainte des défenseurs de l’environnement sénégalais est que la totalité de la Pointe des Almadies finisse par ‘devenir un territoire américain’. La phobie sécuritaire des Américains, depuis les événements du 11 septembre, laisse à penser que l’accès à cette zone de baignade sera fortement restrictif, à l’image de leur actuelle ambassade à Dakar, située au centre-ville. Alors que, s’indigne-t-on, ‘tout le monde devrait avoir accès à la plage des Almadies’.

Source: Walf Fadjri

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