Où va le franc CFA ?

La dépréciation du dollar par rapport à l’euro, qui pénalise les exportations de certains pays africains, sera certainement à l’ordre du jour de la réunion des ministres de la zone franc, le 16 octobre à Paris. Faut-il revenir sur la parité fixe entre le CFA et la monnaie européenne ? Ou est-ce la zone franc elle-même qu’il faut remettre en cause?

Faut-il dévaluer ? Dans le huis clos des conseils d’administration et le secret des réunions interministérielles, le débat, feutré, revient de plus en plus souvent. Avec l’appréciation de l’euro par rapport au dollar, la question se fait chaque jour un peu plus pressante. Quoique toujours très discrète. Les autorités monétaires d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ne l’évoquent qu’à demi-mot, de crainte de susciter des réactions de panique. De son côté, le gouverneur de la Banque de France ne semble même pas l’envisager, estimant « qu’aucun argument macroéconomique ne peut justifier une modification de politique de changes ».

Quant aux chefs d’État des pays concernés, ils assurent le service minimum, se bornant à démentir les rumeurs.Il est vrai que le choc du 10 janvier 1994 a laissé des traces. Et près de quatorze ans plus tard, de Dakar à Brazzaville, personne ne veut assumer le risque politique et les conséquences sociales d’une telle mesure. « Si par malheur une autre dévaluation devait intervenir, je ferai tout pour que les pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest abandonnent le franc CFA et créent leur propre monnaie », a même averti le président gabonais Omar Bongo Ondimba.

En fait, la décision de dévaluer ne fera jamais l’unanimité. Si les compagnies cotonnières d’Afrique de l’Ouest attendent avec impatience un « rééquilibrage » monétaire en leur faveur, les pays pétroliers d’Afrique centrale, eux, n’ont pas vraiment intérêt à abandonner la parité fixe avec l’euro. Ce qui pose, en filigrane, une question autrement plus profonde que celle de la parité : le franc CFA est-il encore utile aux pays qui l’utilisent ? Et ces derniers ont-ils encore suffisamment d’intérêts économiques communs à défendre pour justifier son maintien ?

Vecteur d’intégration régionale pour les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) comme pour ceux de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), la monnaie en vigueur au sein de la « communauté financière d’Afrique » (CFA) ne répond plus à sa mission première, qui, à l’aube des indépendances, faisait de la stabilité monétaire un outil de développement. Ses règles de fonctionnement, établies avant 1960, sont aujourd’hui devenues un lourd handicap pour certains, et l’attentisme des banques centrales comme le mutisme des chefs d’État sont révélateurs de la gêne que suscite ce débat.

Mais celui-ci doit cependant être posé. Faut-il ranger définitivement le franc CFA au rayon des reliques postcoloniales ? Faut-il faire table rase du passé et se lancer dans une nouvelle aventure, au risque de déstabiliser encore un peu plus des pays déjà très fragiles ? Bref, faut-il brûler le CFA ? Seule certitude : au-delà du problème que pose sa parité, c’est son existence même, dans sa forme actuelle, qui doit impérativement être remise en cause.

Source: Jeune Afrique

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