Contrefacon a l'Ucad: Silence, on pirate !

En octobre 2006, les artistes et producteurs-éditeurs phonographiques avaient voulu organiser une marche pour protester contre la piraterie au Sénégal. L’objectif visé n’a pas été atteint. La marche a été interdite. Malgré l’appel lancé par ces victimes, cette contrefaçon gagne de plus en plus du terrain.

Elle est même devenue «légale» au campus universitaire Cheikh Anta Diop. Cependant, une autre activité non prohibée est pratiquée par les étudiants. Certains qui n’ont pas les moyens de se payer le matériel pour monter un «studio», s’adonnent à la coiffure.

Jadis connue sous le nom de temple du savoir, l’université Cheikh Anta Diop est devenue aujourd’hui un temple du savoir… des affaires. Tout s’y passe. Même les pratiques les plus illégales. Au point qu’on est même tenté de dire que cet univers studieux commence à perdre sa splendeur et son lustre d’antan, en devenant un grand marché de piraterie. Les chambrettes sont transformées en studios de production d’albums. Une piraterie de disques à grande échelle. Des clients viennent même en dehors de l’université pour se ravitailler en dernières nouveautés.

Un tour dans les chambres des étudiants renseigne déjà sur l’ampleur de ce phénomène dans cette cité. Le décor est presque partout le même. Difficile d’entrer dans une chambrette sans y trouver un ordinateur avec un ou deux graveurs. D’ailleurs, des tas d’affiches orientent d’abord le visiteur vers les «studios de reproduction». Des indicateurs avec des phrases des plus accrocheuses de type «Gravure au…à des prix imbattables. Ou encore …Graver les nouveautés du marché au… A, spéciale promo gravure à la chambre … G».

Ici l’artiste est mort. Tué par le piratage. Vive donc la contrefaçon. Des tubes les plus anciens aux dernières nouveautés. Et, à 200 ou 250 francs seulement, on peut avoir le dernier Cd de Youssou Ndour ou le dernier téléfilm de la troupe thiessoise Soleil levant. Est-ce parce qu’il y a un vide juridique en matière de piraterie ? Tout laisse à le croire. Puisque, le Sénégal ne reconnaît, en effet, que le délit de contrefaçon, dont les auteurs encourent des peines de 3 mois à deux ans de prison avec amende, ou de simples amendes de 50 à 300 mille francs Cfa.

Convictions
Des dangers, il n’en manque pas bien sûr dans cette pratique frauduleuse. Pourtant, ces étudiants en sont bien conscients. Mais, le plus souvent ces pirates se cachent derrière les franchises universitaires. «Nous sommes à l’Université et ici nous sommes à l’abri des poursuites judiciaires», lance Bamba de la chambre 59 H. Pour ce jeune étudiant en Histoire, ils ne sont pas à l’origine de cette contrefaçon. «Il faut plutôt incriminer les fabricants de matériels tels que les ordinateurs et les graveurs et ceux qui les revendent. Ce sont eux les principaux coupables. Il faut vaincre le mal à la racine», croit-il.

Pour certains, cette activité est devenue un métier. C’est le cas de A. C qui a presque terminé ses études. «Cela fait quatre ans que je pratique la gravure de Cd. Je m’en sors très bien. Et, c’est devenu presque un boulot pour moi», renseigne-t-il. La chambre de A. C est un mini-studio. Deux machines avec des graveurs et des pots contenant des Cd attirent l’attention du visiteur. Des tas de Cd s’entassent ici et là. Même décor chez I. Sall étudiant en maîtrise de géographie logeant au pavillon K. Pour lui, la gravure c’est juste un passe-temps. Mais, un passe-temps lucratif. «Je l’avoue honnêtement, ça me permet de joindre les deux bouts. Au début, j’avais acheté la machine pour mes travaux de mémoire. Mais vu que j’ai assez de temps, je me suis dit que je peux en même temps me faire de l’argent avec ça. Et, voilà je ne me plains pas», confie-t-il.

Assis sur une chaise, les yeux braqués sur un ordinateur, Abdou S., la vingtaine tapote sur le clavier de son Pc. Il copie les titres du dernier album du rappeur Didier Awadi. «Ça fait longtemps. Comment tu vas ?», lance-t-il à un jeune homme qui vient juste d’entrer dans la chambre. Ce trentenaire est un acheteur qui écoule des Cd piratés sur le marché noir de la banlieue. Et, il tient à l’anonymat. Depuis deux ans, il s’approvisionne dans ce studio clandestin du pavillon A.

Et tout cela se passe sous les yeux des autorités du Coud. Ces dernières avouent leur incompétence à combattre ce phénomène. Selon le directeur de la cité universitaire Amadou Télémaque Sow, cette pratique est regrettable et injuste. «Il faut la combattre. Mais, c’est un peu difficile de contrôler une population estudiantine assez importante qui tourne autour de 20 à 25 mille dans le campus social. Même si on interdit ici quelque chose, les étudiants le font à notre insu», explique-t-il.

Survie
Sur les dispositions des franchises universitaires, M. Sow ramène les étudiants à la raison. «Ils (étudiants) doivent faire la relecture de la loi 96-79 du 24 novembre 1996 qui régit les franchises universitaires. Pour qu’ils comprennent que ces franchises ne couvrent pas le campus social, mais plutôt le campus pédagogique», dit-il.

Toutefois, la piraterie n’est pas la seule activité lucrative pratiquée par les disciples de Cheikh Anta Diop. Ils s’adonnent aussi à la coiffure. Ainsi, un nombre impressionnant de coiffeurs prend d’assaut chaque matin le couloir qui sépare les pavillons K et J. Souvent même avec des salons à ciel ouvert. Une activité qui selon eux leur permet de subsister. «La plupart d’entre nous qui faisons ce boulot n’a pas de bourse et pour s’en sortir, on est obligé de s’y adonner», lance Ousmane étudiant coiffeur. «Avec 200 francs Cfa seulement, on peut refaire sa «tête.»

Mais, le hic se trouve au niveau de la salubrité de l’espace. Ces coiffeurs d’occasion ne se soucient guère de la propreté des lieux. Une pratique que condamne le directeur de la Cité. Pour Télémaque Sow, ce phénomène est déplorable et des mesures sont en train d’être prises pour mettre fin à cette pratique. «Ces étudiants ne sont pas là pour coiffer mais pour étudier. Aucune raison ne peut justifier cette pratique. Ce n’est pas commode de transformer des couloirs en salons de coiffure. Avec la sécurité et les amicales de facultés, on est en train de combattre cela», annonce-t-il au grand dam de ces étudiants. En attendant, ces «campusards» peuvent tout bonnement continuer leurs activités favorites.

Aucun commentaire:

 
{http://www.leboytown.blogspot.com/}.