Dakar, apres son lifting

La dernière fois que je m’étais rendue à Dakar, c’était il y a exactement dix ans. L’arrivée à l’aéroport avait été éprouvante. Un « porteur » zélé m’ayant pratiquement arraché ma valise des mains, j’avais entamé une course-poursuite derrière lui pour la récupérer.

J’avais ensuite le souvenir d’une ville pleine de poussière, aux rues cabossées et impraticables, le sol jonché d’ordures et envahie par les moutons en goguette. Je me souviens aussi de m’être fait la réflexion que, mis à part le marché aux poissons de Soumbédioune, les Dakarois tournaient le dos à la mer.
Dix ans plus tard, point de panique à l’aéroport, les porteurs se sont mués en d’aimables travailleurs.

Leur amabilité n’a d’égale que le sérieux des nombreux policiers qui quadrillent la place. Un chauffeur m’attendait et, pour cause de stationnement illégitime, s’est vu infliger une contravention. Ici, on ne plaisante plus avec la sécurité.

Le voyage entre l’aéroport et le centre-ville fut également source d’étonnement pour moi. En lieu et place du no man’s land et des baraques qui, dans mon esprit, longeaient l’aéroport, se dresse désormais un quartier huppé. Les belles villas se succèdent, toutes plus imposantes les unes que les autres. À croire que leurs propriétaires font un concours.


Autre nouveauté : les heureux habitants de l’endroit aiment aussi la mer, comme en témoignent les multiples constructions qui poussent le long de la Corniche. J’ai pu les admirer sans pour autant me cogner la tête contre la vitre : la route, toute neuve, est en parfait état. À côté de la Cour de cassation, il y a même un parc d’attractions ! Pour un peu, je me demandais si je ne m’étais pas trompée de destination et si je n’avais pas atterri sur la Côte d’Azur, le parc d’attractions ayant été installé là pour tromper l’ennui de la progéniture d’une population pleine d’argent.

Un petit détour forcé pour cause de route non terminée du côté de Soumbédioune m’a guérie de toute illusion. À l’intérieur du quartier de la Médina, les moutons, les nids-de-poule sont toujours là. Les égouts à ciel ouvert m’ont tout d’un coup rappelé le Dakar d’antan.


En dix ans, on a donc simplement refait la route, et les riches aiment entendre les avions de près, me suis-je dit. Non, pas seulement : il ne faut pas oublier que les riches ont aussi un travail, et leur travail, c’est dans le centre-ville. Effectivement, le cœur de Dakar n’a plus le même visage. Routes nettes, circulation régulée par d’élégants agents aux gants blancs, le quartier d’affaires dakarois a fière allure. Les mendiants de la place de l’Indépendance ont disparu au profit des vendeurs de cartes téléphoniques… Quelques-uns sont encore là, mais les autres ? Où sont-ils passés ?

Le port, lui aussi, offre un beau visage aux touristes, fort nombreux. Recherchant l’immeuble Fahd où j’avais travaillé pendant un an, je me suis perdue dans un nouveau quartier que je ne connaissais pas. En lieu et place de l’espèce de décharge qui faisait face à mon ancien lieu de travail, je suis tombée sur un bâtiment flambant neuf.

Mais tout comme un petit tour à la Médina relativise la beauté retrouvée de la Corniche, il suffit de prendre les rues adjacentes pour comprendre que Dakar n’a pas changé tant que cela. Chaussée défoncée, trottoirs inexistants, taxis qui manquent d’écraser les passants distraits par un tas d’ordures non identifiées… Et hurler ne sert à rien, le taximan a une radio, il ne vous entend pas.

À la réflexion, je me dis que le nouveau visage de Dakar est comme celui d’une bourgeoise ayant eu recours à la chirurgie esthétique… De loin, l’illusion est parfaite ; de près, les défauts sont, hélas, bien visibles.

Laure Desgardes - Paris, France

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