Youssou N’Dour : « prendre et donner »

"Rokku mi rokka" : " prendre et donner " , en langue toucouleur. Tel est le titre du dernier album de la star sénégalaise de la chanson, Youssou N’Dour. Nous avons rencontré Youssou, décontracté et souriant, à Paris, quelques jours avant une série de concerts donnés dans la capitale française. Il sera encore au Bataclan (Paris) le 5 novembre, avant de s’envoler pour une série de représentations en Egypte, aux Etats-Unis, et ailleurs .

Youssou N’Dour pèse toute la responsabilité qui est la sienne, de pouvoir être entendu, pour faire passer, à l’Afrique et au monde, les messages qu’il juge essentiels. Il a créé une Fondation – la Fondation Youssou N’Dour – pour apporter sa contribution à l’amélioration de son pays, et de l’Afrique. Une manière d’être, et pas seulement en mots, un artiste engagé. Il nous a parlé de ce combat et de son dernier album "Rokku mi rokka" (Warner).

Votre dernier album est beaucoup plus africain, plus "authentique" que les précédents, avec moins de "fusion" avec le rock ou la pop. Comme un retour aux racines. Sur certains titres, vous reprenez la manière de chanter traditionnelle des griots d’Afrique de l’Ouest…
Youssou N’Dour : J’ai toujours eu deux chemins dans ma musique : d’une part, je suis fils de griotte ; de l’autre, j’ai vécu dans le monde urbain moderne, et j’ai rencontré d’autres artistes et d’autres sonorités. A un moment, je suis allé très loin avec les sonorités pop. Mais un jour je me suis dit : il existe des sonorités très proches que nous n’avions pas eu l’occasion d’approcher, précisément parce qu’elles étaient très proches. Et je suis allé à la recherche des choses intéressantes qu’il y avait chez moi, dans ma région natale du nord du Sénégal, qui comprend le Pomor et le Matam. Voilà pourquoi l’album est plus "roots". C’est une région frontalière avec la Mauritanie et le Mali, et elle a sa spécificité musicale. J’ai retrouvé ce que ma mère chantait : c’est cela que j’ai voulu inscrire sur cet album.

Le titre de l’album est "Donner et prendre", mais il ne se réfère à aucune des chansons proposées…
Le titre représente un message. Le message de cet album, c’est la valorisation. Je pense que l’Afrique dans sa musique, dans sa culture, a des choses très riches, mais qui ne sont pas valorisées. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’équilibre des échanges, de commerce équitable. La culture africaine n’est pas assez valorisée.

L’Afrique va alors prendre ailleurs – en musique par exemple - ce qu’elle pourrait trouver chez elle, alors qu’elle aurait beaucoup à donner au monde au contraire…
Youssou N’Dour : Oui, c’est ça…

Je ne peux pas comprendre les paroles de vos chansons : quels en sont les thèmes ? Les écrivez-vous vous-même?
Youssou N’Dour : J’écris la majorité de mes chansons, mais j’ai aussi un ami qui m’en écrit : Kabou Gueye. La chanson "Baay Faal" rend hommage à Cheikh Iba Fall, qui fut le premier disciple de Cheikh Amadou Bamba, le fondateur de la confrérie des Mourides, au XIX° siècle. C’est Iba Fall qui a fait connaître Cheikh Amadou Bamba au monde, et ce dernier lui avait dit : "vous êtes exempté des prières (obligatoires dans l’islam, ndlr), car vous irez directement au Paradis"… Je rends hommage au côté humanitaire des membres de la confrérie des Baay Fall, disciples actuels de Iba Fall : parce qu’on les traite souvent de mendiants, on ne les estime pas toujours – ils portent leurs cheveux en "rasta" et des longues tuniques. Mais ils sont dans le spirituel… Personnellement, je suis mouride, mais je ne suis pas Baay Fall.

Que signifie la chanson "4-4-44" ?
Youssou N’Dour : C’est un rythme que j’ai composé sur la date du 50° anniversaire de l’Indépendance du Sénégal, qui était le 4 avril 2004 : donc 4/4/04 – changé en 4/4/44…

Et la chanson "Pullo Ardo" ?
Youssou N’Dour : Elle raconte l’histoire d’un Peul. C’est selon moi l’ethnie la plus nombreuse et la plus ancienne de l’Afrique, et ils sont très présents dans le nord du Sénégal. Je leur rends hommage. Car ils vivent une vie saine et simple, ils se contentent de peu, n’ont pas toutes ces choses modernes. Tout ce dont ils ont besoin, ils le trouvent sur leur terroir. Il y a des gens qui ont besoin de peu pour être contents.

Et de quoi parle "Sama Gammu" ?
Youssou N’Dour : Cette chanson est une histoire autour des cousinages entre Sérères, Peuls et Toucouleurs. Dans la tradition africaine, le cousinage est une relation importante. On est à l’aise. Là, j’interpelle un cousin, je lui dit qu’il a changé, qu’il frime, qu’il n’est pas resté authentique.

Et "Lett ma" ?
Youssou ndour: C’est une chanson d’amour : elle raconte l’histoire de quelqu’un qui est amoureux d’une personne, et tout est dans les mains de cette personne-là : "il suffit que j’aie un signe, une parole, un regard, pour espérer". Comme beaucoup de chansons d’amour dans le monde…

Vous avez créé il y a quelques années une Fondation, à votre nom, qui mène des projets au Sénégal et ailleurs en Afrique : une manière supplémentaire d’être un artiste engagé ?
Youssou N’Dour : La Fondation représente des actions que j’ai voulu mener, des réponses que l’on peut apporter. Une manière de participer à améliorer les choses. Nous avons des actions de lutte contre le paludisme ; des bourses pour les jeunes filles qui étudient à Dakar et viennent de villages, avec peu de moyens financiers ; des actions de formation de jeunes. Ce sont des modèles de développement que nous essayer de proposer. Quatre personnes travaillent dans le bureau de la Fondation à Dakar, qui est financée par une partie de mes recettes d’artiste, par des manifestations où nous levons des fonds, et par des institutions qui veulent nous aider.

Comment voyez-vous l’évolution du Sénégal depuis votre enfance ?
Youssou N’Dour : Le Sénégal évolue, l’Afrique évolue. Par exemple, au Sénégal l’éducation est devenue une priorité : 40% du budget de l’Etat lui est consacrée, et de plus en plus, on voit des jeunes filles scolarisées, alors que lorsque j’étais enfant, c’était rare. L’arrivée de Wade (le Président, ndlr) a créé un sentiment de s’approprier les choses : beaucoup de Sénégalais sont revenus chez eux, investir, réaliser leurs rêves. Les gens voulaient du changement, et ça a été comme un déclic. Ce qui a changé aussi, c’est qu’il y a beaucoup plus d’infrastructures.

En même temps, c’est contradictoire : la mentalité des gens doit encore beaucoup évoluer. Et puis, il y a aussi ces jeunes gens qui prennent les bateaux pour émigrer, et qui meurent parfois en mer. Les jeunes pensent qu’en Europe c’est l’Eldorado, mais je dis non : l’Europe ce n’est pas l’image qu’on voit à la télévision, et on peut réussir en restant chez soi.

Source: Afrik.com

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Grand do sene morome.

 
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