Plateforme de Diamniadio: Forte déception des populations

Face à la presse le 1er octobre dernier, le Chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade avait qualifié la plate-forme de Diamniadio de « serpent de mer ». Une déclaration qui vient de mettre un terme sur les interrogations concernant la réalisation ou non de ce projet de grande envergure de l’Etat sénégalais dans le cadre du Millenium Challenge Account (Mca).

Ce projet auquel les populations de Diamniadio tenaient tant ne verra pas le jour. Déçus, les Diamniadiois espèrent toujours qu’une autre chose sera faite pour leur commune. Mais avant, ils sollicitent même une audience auprès du chef de l’Etat.

En cette mi-journée hivernale, les rayons de soleil distillent une vive chaleur. Une fournaise qui se reflète sur la chaussée par des mirages.

Nichées sous des parapluies, des vendeuses de mangues à la quête de l’ombresont massées le long de la route, à l’entrée de Diamniadio. Voie de passage obligé pour entrer ou sortir de Dakar, cette petite commune située à la sortie de Bargny se caractérise par le nombre important de vendeuses qui prennent d’assaut les véhicules en stationnement. Jeunes filles, gamins et femmes de tous âges proposent des sachets d’eau fraîche, des bananes, des mangues, des pastèques aux voyageurs en transit.

Ce train-train est presque habituel à Diamniadio, ville qui retrouve sa ruralité légendaire après avoir nourri un grand rêve américain d’une plate-forme avec des usines, des résidences hôtelières haut de gamme, bref des emplois pour sa jeunesse. Aujourd’hui que le rêve n’est plus permis (Selon le chef de l’Etat, il n’a jamais compris le sens du projet), les habitants éprouvent une certaine gêne en évoquant ce grand projet auquel ils croyaient tous.

Faisant partie du Millenium Challenge Account (Mca), le projet de la plate-forme de Diamniadio était estimé entre 400 et 600 milliards de dollars avec des retombées extraordinaires pour cette petite commune et sa population. Il devrait générer au total 49 000 emplois permanents et 100 000 autres dans le long terme. Un gigantesque projet qui avait suscité le déplacement des représentants du Sénat américain lors de son lancement. Le passage des Américains à Diamniadio a pourtant laissé des traces avec ce bâtiment à étage rouge qui leur servait de logements durant leur bref séjour. A l’heure actuelle, l’endroit est transformé en un restaurant encore en rénovation.

Les « Yankees » ont quitté les lieux depuis que le gouvernement du Sénégal a, à travers un communiqué mis fin au projet de la plate-forme du Millénaire en ces termes : « Les gouvernements du Sénégal et des Etats-Unis ont convenu de mettre fin au projet de construction de la Plateforme de Diamniadio initié dans le cadre du Millenium Challenge Account (Mca), étant donné que le Sénégal se trouve au stade final des négociations avec la société privée Jebel Ali Free zone (Jafza) de Dubaï pour la construction et le développement d’une zone économique intégrée spéciale (...)

Plus loin, le document précise : « Le projet de la plateforme de Diamniadio ( ...), présente des similitudes avec la Zone économique spéciale intégrée (Zesi), mais le Millenium Challenge Account a pour principe essentiel de compléter des projets du secteur privé et non de les concurrencer » (in Le Soleil du jeudi 28 juin 2007).

Tout dernièrement, face à la presse, le chef de l’Etat a indiqué n’avoir jamais compris le sens du projet de la plate-forme de Diamniadio en le qualifiant même de « serpent de mer ». Avec de telles révélations, les populations de Diamniadio commencent déjà à enterrer le projet de la plateforme sur lequel, ils avaient fondé un réel espoir. Aujourd’hui, la déception est la chose la mieux partagée dans cette petite commune.

« Lorsque la nouvelle est tombée de suspendre la plate-forme, ce fut la consternation pour toute la population qui s’était appropriée le projet », indique aujourd’hui Mouhamed Badji, responsable des jeunes de Diamniadio et chargé de la communication dans le comité de pilotage pour le maintien de la plate-forme. Tout comme Mouhamed, Mayaaré Sow est membre du comité de pilotage. Son village, Dougar Peul, a fait partie des localités qui avaient soutenu le projet de la plate-forme. Là où d’autres villages avaient fait montre de leur ferme opposition, malgré des négociations de longue haleine. « Vous voyez comment cette annulation du projet nous met en mal à l’aise nous qui sommes de Dougar Peul, confie-t-il dans un ton empreint de tristesse. On avait grand espoir et finalement cet espoir se transforme en une défaite cinglante pour tous les jeunes de cette localité ».

Oui, aujourd’hui cet espoir a fondu comme du beurre au soleil. Car chaque segment de la population de Diamniadio avait fait sien ce projet. Les aînés, les jeunes de même que les groupements féminins, chacun avait son comité et le travail se faisait dans la bonne entente et la collégialité. D’ailleurs des sessions de formation avaient même été initiées pour les jeunes. Ce qui leur avait permis de s’imprégner davantage du projet de servir de relais pour la bonne circulation de l’information.Entre les Américains et la population de la commune, existait une complicité née de leur cohabitation quotidienne. « Les Yankees géraient ce projet directement avec les autorités et les populations locales.

C’est pourquoi, ils avaient fini par épouser le vécu quotidien des populations », rappelle Mouhamed Badji, gardant toujours avec lui les documents et d’anciens articles écrits sur la plate-forme. « Les études de faisabilité étaient déjà terminées et il ne restait plus que la phase d’exécution du projet », informe M. Badji, selon qui la pose de la première pierre était prévue entre septembre et octobre de cette année.

Lot de désolations
A la place de cette première pierre qui devait être le symbole d’un avenir prometteur, c’est à un « lot de désolations » qu’a eu droit la population selon Arona Ngom, membre du comité et président de l’association des élèves et étudiants de Diamniadio. Plus « écœurant » souligne-t-il, c’est le manque total d’information qui caractérise cette annulation du projet.

«Personne n’est venue nous expliquer comment cela est arrivé, dénonce-t-il sans mettre des gants. Tout ce que nous connaissons de cette annulation, nous l’avons appris par la presse. Nous demandons des explications ». Zesi ou la Zone économique spéciale intégrée est le projet substitué à la plate-forme de Diamniadio. Mais Zesi reste une nébuleuse pour les populations de Diamniadio.

« On connaissait bien les tenants et les aboutissants de la plateforme, mais le projet de Jabel Ali Free Zone Authority (Zafza), groupe dubaïote, reste une équation pour nous », relève Moustapha Ngom, relais dans le projet de la plate-forme. Des arguments contraires sont même fournis par les jeunes pour discréditer Zafza. « La plate-forme devait se faire sur 2620 ha alors que Zesi couvre 10 000 ha allant jusqu’à Yenne et Diass, sur le financement, les Américains proposent 600 millions là ou les Dubaïotes offrent 260 millions, analyse Mouhamed Badji en comparant les deux projets. Zesi ne favorise pas les populations et on se demande toujours pourquoi l’avoir choisi au détriment de la plate-forme ».

«Le chef de l’Etat a éclairé des zones d’ombre»
Même déçus suite à l’annulation du projet, les populations font toujours preuve de réalisme. « Certes, on avait grandement espoir avec ce projet, relève Arona Ngom, président des élèves et étudiants de Diamniadio. Mais les dernières déclarations du chef de l’Etat ont le mérite d’éclairer des zones d’ombre sur le fait que les Américains tardaient à financer le projet et c’est ce qui a valu son choix sur le projet Zesi.

C’est une explication probable ». Pour les Diamniadois, les dommages collatéraux occasionnés par cette annulation du projet se résument en une perte de temps et en une perte des recettes foncières pour leur commune dont les terres sont immatriculées depuis le lancement du projet.

Aussi, même annulé, le financement consenti pour la plate-forme sera consacré à d’autres secteurs de l’économie sénégalaise. Ce qui est vu d’un bon œil par Arona Ngom qui, comme la plupart de Diamniadois se consolent en faisant preuve de réalisme. Fini donc le projet de la plate-forme de Diamniadio, le rêve américain n’aura pas lieu à Diamniadio, commune qui durant plusieurs mois aura fait parler d’elle. Tout en faisant la fierté de sa population. Aujourd’hui, celle-ci retourne à ses anciennes habitudes de ruraux. Peut-être un autre rêve pointe à l’horizon, avec l’arrivée annoncée des Emirs de Dubaï.

Source: Le Soleil

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