Youssou Ndour et la publicité sur les migrations clandestines : Une contradiction

L’art, depuis ses origines les plus lointaines, ne devait avoir une finalité autre que lui-même. C’est du moins ce que défendaient les classiques, avec le concept très répandu appelé ’l’art pour l’art’. Mais la postérité, sans être tout à fait contre ce point de vue, soutient que ‘l’art pour le progrès est encore mieux’.

Ce dernier point de vue, plutôt progressiste, notre honorable poète chanteur national, Youssou Ndour, semble l’avoir très tôt partagé et appliqué. Car, à l’aune de sa carrière, devenue du reste très brillante, cet éminent chanteur nous a habitués à des chansons au contenu moral on ne peut plus saisissant, avec en arrière plan, une dimension pratique avérée. On citera en exemple les morceaux comme Gorgui néna, Alalu mbolo et Dém.

Mais si Youssou Ndour ne s’est jamais contredit en revenant sur certaines de ses idées et de ses enseignements à travers ses chansons, là, il vient de le faire avec ce spot publicitaire sur les migrations, contre son fameux morceau, le dernier en exemple, Boul bayékou, morceau qui ouvre son dernier et prestigieux album intitulé Alsaama day.

Ce morceau intitulé Boul bayékou, titre qui signifie en wolof, ’ne sois pas nonchalant’ ou ’ne sois pas paresseux’ ou encore, ’ne cède pas face à l’épreuve’, est plein d’enseignements pour les jeunes désespérés, les sans-emplois, les chômeurs désemparés. En ce sens qu’il enseigne l’attitude et l’état d’esprit qu’il faut avoir devant l’adversité pour réussir et échapper par dignité, à la risée de ses ennemis. Et cela, surtout dans le contexte social sénégalais où le malheur des uns fait sournoisement rire les autres qui s’estiment toujours heureux de triompher des épreuves de la vie.

En effet, pour ceux qui n’ont pas encore écouté ce morceau en question, Youssou Ndour y dénonce la nonchalance, la paresse, l’absence de courage et de détermination devant l’épreuve ; à l’inverse, il y exalte la persévérance, la détermination optimiste, la ténacité et la volonté implacable, comme attitudes à adopter devant les difficultés de la vie pour réussir.

Ainsi dit-il : ’Bu diafé diafé yégsendo’ comprenez : si les difficultés arrivent en même temps, simultanément, ’bumu takh nga nélaw bay yandoor’, ce n’est pas une raison pour démissionner, croiser les bras et dormir à ronfler, ‘bé khamétoulo lu baakh ak li bonn’, au point que tu n’arrives plus à distinguer le bien du mal, ’nga wara daw bé manato takhaw’, tu dois courir, te battre, au point que t’arrêter même te devient impossible, ‘nga jogg anda ak sa jom bu ken khamul’, te lever avec une volonté, une détermination jusque-là insoupçonnée par personne, ’geumni Yalla buur bi moy ken ki dogal’, et croire, avoir la ferme conviction que, seul Dieu, l’unique a le pouvoir de décider des choses.

Insistant ainsi sur le caractère tenace et implacable dont doit faire preuve la personne pour sortir indemne des obstacles de la vie, notre valeureux poète poursuit en soutenant que cette volonté de réussir, cette détermination devant l’épreuve doit être à l’image de l’ardeur, de la rage implacable d’un lion affamé, elle doit être comme le ciel qu’on ne peut jamais suffisamment couvrir pour l’empêcher d’apparaître, comme la fumée de l’encens dont rien ne peut empêcher la senteur d’être perçue.

Une série de métaphores très évocatrices dont l’illustration parfaite est l’immigration clandestine au Sénégal avec ces vagues de jeunes qui, devant le chômage et la cherté croissante de la vie, motivés de plus qu’ils sont à refuser de tomber dans le pessimisme, de céder à l’oisiveté, à la paresse et à la nonchalance, s’engagent avec courage et frénésie dans la mer à l’aide de pirogues en direction de l’Occident, et ce, dans le but exclusif de réussir, et de gagner dignement leur vie.

Après avoir soutenu et défendu une telle philosophie de l’action, un tel volontarisme sans faille, grand-You, par le détour d’une publicité et contre cette belle illustration de sa pensée par l’immigration clandestine sénégalaise, revient pour soutenir le contraire en disant : ’Bouléne diaay sén bakane thi dara’, ‘Ne risquez pas votre vie pour rien’. Nous disons : quelle contradiction !!!

Car, si on vous prend aux mots cher You, ces jeunes candidats à l’immigration clandestine, devant les diafé diafé yu yégsendo, nélaw gnu bay yandoor té, diawaléw gnu lou baakh ak lu bonn. Au contraire, dagno diogg ak sen jom bu ken khamoul, di daw bé manatugnu takhaw pour tékki. Ces jeunes n’ont-ils pas compris que ’c’est l’homme qui a peur mais sinon il n’y a rien’ et qu’en définitive, devant les risques, quels qu’ils soient, ’Yalla buur bi moy ken ki doggal’ ? Sans doute oui !

Qu’est-ce qui a donc pris notre éminent chanteur pour revenir soutenir tout le contraire de ce qu’il a enseigné dans ‘Boul bayékou’ avec ce propos publicitaire ’bouléne diaay sén bakane thi dara’ ? C’est parce que, dit-il, c’est vous (les jeunes) l’avenir de l’Afrique, ‘ndakh yénay euleugou Afrique’.

Etre l’avenir de l’Afrique, est-ce une raison pour baisser les bras, céder devant l’épreuve, rester nonchalant, paresseux devant les difficultés pour réussir ? Sans doute non ! Donc, cet argument avancé par l’artiste est très faible pour se justifier devant l’honorable et admirable volonté des jeunes de réussir pour eux et pour leurs parents. Et (de grâce !) qu’on ne vienne surtout pas nous faire entendre des sottises rabâchées comme des chansons sur les risques de mort que comporte ce voyage pour justifier cette publicité de Youssou Ndour. Car quelle est dans ce monde cette entreprise sérieuse, digne de ce nom qui ne comporte pas un pourcentage de risques ? Mieux, comment peut-on ne pas prendre de tels risques devant des horizons aussi sombres et inquiétants pour les jeunes au Sénégal ? D’ailleurs, cette immigration clandestine, parlons-en un peu.

En effet, une immigration est dite clandestine quand elle n’est pas organisée et effectuée selon les réglementations en vigueur. Mais que vaut le mot ’clandestine’ devant les diafé diafé yu yégsendo avec ce régime de l’Alternance ; devant un gouvernement pour lequel l’emploi et l’avenir des jeunes est le cadet de ses soucis ; dans un pays où une coterie d’individus s’empare et s’accapare, sans scrupule, de tous les biens et avantages de l’Etat ; dans un pays où le népotisme, la discrimination politique, le copinage, et le favoritisme, pour ne citer que ceux-là, président aux réussites sociales ?

L’expression : ‘immigration clandestine’ peut-elle encore garder son contenu négatif quand les motifs et les mobiles qui la sous-tendent sont la volonté de réussir dignement, d’assurer son avenir, d’aider ses parents et de les protéger contre l’ignominie sociale ?

D’ailleurs, ces parents qui pleurent dans les publicités en question, qui les a affamés au point de voir leur progéniture prendre le large à la recherche de quoi les nourrir ? N’est-ce pas ce régime de l’Alternance qui ignore le monde rural, qui brade les terres, augmente les denrées de première nécessité, et défavorise même les plus méritants d’entre nous dès l’instant qu’ils sont identifiés comme positionnés hors des périmètres du Pds.

Ce qu’il faut plutôt dire pour le cas des jeunes sénégalais, s’agissant bien entendu de l’immigration clandestine, c’est qu’à l’impossible, nul n’est tenu ; et que ce voyage est un voyage d’honneur, de jom, de fiit et de Ngor et, cette clandestinité est dictée par la raison, la dignité et la détermination face à un régime d’infortune et à un gouvernement qui a fini de donner les preuves accablantes de son incompétence tragiquement inqualifiable. Par ailleurs, nous devons à la vérité, reconnaître que les jeunes qui triomphent du périple et des périls qui lui sont inhérents, comptent dans leurs rangs beaucoup d’entre eux qui ont réussi que le nombre de ceux qui ont échoué est considérablement insignifiant.

C’est donc cacher volontairement l’aspect positif de ce voyage du salut que de nous montrer uniquement des parents qui pleurent. Une fois de plus, qu’on nous épargne ces images mensongères de parents qui pleurent et qu’on nous montre, à la place, celles majoritaires de parents d’immigrés qui, aujourd’hui, ont le sourire jusqu’aux coins de la mâchoire, parce que bien entretenus à coup d’euros par leurs fils qui ont osé effectuer ce voyage au bout du désespoir.

Il est dit que cette publicité en question est l’initiative de l’Organisation internationale pour les migrations (Oim). Mais, nous savons aussi que c’est l’une des initiatives du régime de l’Alternance de lutter contre les migrations clandestines. Donc directement ou indirectement, Youssou Ndour, par cette publicité, soutient la politique du régime de l’Alternance de lutter contre l’immigration clandestine. Cette compréhension est d’autant plus répandue qu’on entend souvent vos fan’s vous dire, à chaque passage de la séquence publicitaire en question : ‘Eloigne-toi de la politique du régime de l’Alternance, si tu ne veux pas compromettre ta réputation et ton image’. Et cela à juste raison, car les initiatives du gouvernement de l’Alternance sont des terrains minés, des impopularités, des entreprises iconoclastes, des malheurs pour des personnes de bonne réputation comme vous.

Et ne me demandez surtout pas, vous, Youssou Ndour, de vous en fournir les preuves car vous en avez déjà deux à votre actif ; l’une avec la remise du prix de la paix au chef de l’Etat aux Etats-Unis et, l’autre avec la construction de la corniche ouest :

Votre participation à la célébration des prétendus honneurs et grandeurs du plus grand jouisseur de l’Alternance par le prétexte fallacieux d’une remise de prix aux Etats-Unis n’avait pas manqué d’entamer votre image pendant un certain temps. Tout aussi, sont à indiquer les éléments suivants:

La construction de la corniche ouest, une autre initiative du gouvernement de l’Alternance, un projet absurde, non avenu et trop mal réalisé vous a coûté, ou, va vous coûter votre magnifique immeuble qui, certainement, est très symbolique pour vous du point de vue social ;

Votre querelle avec le fils de notre buur des temps modernes vous a attiré beaucoup de diffamations savamment orchestrées par les autres tenants du régime de l’Alternance, la génération des cons-créés, pour vous jeter le discrédit.

Cela ne vous suffirait pas comme preuve du vent satanique qui accompagne ce gouvernement de l’Alternance pour vous mettre à défendre encore une de leurs initiatives au point de vous contredire ? Le gouvernement de l’Alternance, il faut le savoir, est l’incarnation de l’absurde et de l’illogisme, il faut s’en éloigner. Car, celui qui s’en approche pique le virus de l’incohérence, se confond dans ses idées et ses actions et perd son bon sens.

C’est pourquoi je m’en vais vous dire, vous Youssou Ndour, de quitter cette pub impertinente et insidieuse pour vous, pour votre position jusque-là neutre vis-à-vis de la politique et, de retourner vous accrocher à la vérité de votre chanson si belle : Boule Bayékou et de nous laisser, comme vous le souhaitez d’ailleurs, nous l’approprier : ’Gnu défko mouy sougnou wooy’. Car cette lutte politique contre l’immigration clandestine est la dernière preuve de l’incapacité du régime de l’Alternance à apporter une réponse aux problèmes de l’emploi des jeunes au Sénégal.

Et pour cacher sa carence, il n’a trouvé mieux que de transformer ce voyage de fiit, de jom et de Ngor en une catastrophe. La véritable catastrophe, on le sait, c’est l’indifférence royale du chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, vis-à-vis des problèmes du bateau Le Joola jusqu’à ce que la mort de plus de deux mille cinq cents personnes en ait été la plus sinistre des conséquences historiquement inoubliables.

Quelles mesures ont été prises pour lutter contre cette mal gouvernance, nulle part égalée au monde ? Donc, cher You, sachez désormais où mettre votre image et quelle initiative soutenir si, bien entendu, vous n’êtes pas déjà piqué par ce virus de l’incohérence, de la confusion malheureuse que porte ce régime de l’Alternance ; confusion et malheur qui caractérisent tous ses projets.

Mbemba Souleymane Diawara - Walf sn

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