Ndiaga Fall, Avocat des danseuses de "Goudi Town"

L’affaire défraie la chronique depuis quelques mois. Revenue au-devant de l’actualité à la faveur de l’implication de la Division des investigations criminelles dans l’enquête, l’affaire connue sous le nom de « Guddi Town » et que d’aucuns qualifient de « scandale » est décortiquée avec un regard bien différent par l’avocat Me Ndiaga Fall qui défend dans ce dossier les danseuses arrêtées.

Il pense que c’est l’exploitation commerciale faite de cette affaire (Internet et Cd) qui lui a donné des proportions qu’elle n’aurait jamais dû avoir. Pour lui, notre culture tolère ce genre de pratiques.

Maître, vous défendez des filles inculpées pour atteinte à la pudeur et à la morale publique, pouvez-vous rapidement nous faire l’économie des faits.
Les faits, tout le monde les connaît depuis des mois que la presse en parle. J’aurais bien franchement aimé qu’au-delà du fait, qu’on fasse la part des choses. Je comprends bien ceux qui, regardant ces images, portent la main à la bouche et disent : « Soubhanalahi ! » Je comprends cela parce que c’est très sénégalais. Mais justement parce que nous sommes Sénégalais, nous devons comprendre ce qui s’est passé et ne pas en exagérer la portée.

Vous semblez justifier ces pratiques que tout le monde bannit.
Je ne justifie rien du tout. Ce que je veux dire, c’est que cela se passe ainsi dans beaucoup de cérémonies. Cela ne date même pas d’hier. Vous êtes Sénégalais comme moi. Et sauf à vouloir verser dans l’hypocrisie primaire, vous conviendrez avec moi que nos femmes s’adonnent souvent à des danses qui peuvent a priori paraître choquantes. Mais qui font quelque part partie de notre culture. Il faut comprendre cela. Je vous donne des exemples. Souvent, même sans aucun prétexte, les Sénégalaises, lorsqu’elles sont en groupe, se mettent à danser en montrant à l’occasion leurs parties intimes.

Mais, aussitôt après, elles vont faire autre chose. Dans les mariages et même souvent les baptêmes, elles se retrouvent ensemble pour danser. Et les hommes ne s’en mêlent même pas. Maintenant, si on devait filmer ces scènes, les mettre sur Internet comme c’est le cas avec mes clientes, ou sur Cd pour les vendre à Sandaga ou ailleurs, vous imaginez les dégâts que cela ferait. Je vous assure que tous les jours, Sandaga aurait au moins dix Cd du genre. Il faut comprendre que mes clientes n’avaient aucunement l’intention de faire une exploitation commerciale de cette soirée. On leur avait assuré qu’il n’y avait ni appareil photo, ni caméra.

Le résultat est pourtant là.
Le résultat est là, je suis d’accord. Mais nous sommes tous doués de bon sens. Et le bon sens recommande de faire la part des choses. Vous savez, les responsables de la boîte de nuit Alexandra ont été les premiers à avoir été surpris par la circulation sur Internet des images de cette soirée. Je le répète, l’intention, ce n’était pas de faire de la publicité sur cette affaire. C’est comme des images prises dans une salle lors d’un mariage que nos femmes fêtent souvent à leur manière. Je ne dis pas que c’est rien du tout. Mais je précise que cela ne choque réellement que lorsqu’on sort du cadre de la famille, pour ce qui est par exemple du mariage ou de la boîte de nuit comme c’est le cas de notre affaire. Il s’y ajoute aussi qu’Alexandra où s’est passée la soirée est située à 100 mètres du Commissariat central de Dakar où se trouve la Brigade des mœurs.

Vous croyez que si ces filles avaient la claire conscience de faire des choses répréhensibles, elles viendraient à cet endroit avec le risque de voir débarquer la police à tout instant ? Je voudrais enfin relever que les faits se sont passés en 2005. Deux ans se sont passés avant que les images ne passent sur Internet. Une de mes clientes a porté plainte deux mois avant que la police ne s’active. Après avoir vu les images, elle s’est dit qu’il y a détournement d’objectif et elle se devait de saisir les autorités parce qu’au fond, elle a subi un préjudice. Mais qu’est-ce qui s’est passé ? On l’a convoquée, placée en garde-à-vue et déférée, alors que ces filles sont plus des victimes qu’autre chose. Je connais bien la police et je respecte le travail de la Dic. Mais, il faudrait éviter de verser dans l’amalgame ou le sensationnel. Je vous dis que les propriétaires d’Alexandra sont eux-mêmes surpris que ces images sortent maintenant. Alors faut-il taper sur tout le monde ?

Mais qui est donc responsable ?
Qui est au fond responsable ? Je vous pose aussi la question. Qui faut-il sanctionner ? Ce sont là des questions majeures. Faut-il réprimer de façon aveugle ? La personne qui a dansé ou celle qui a volé l’image pour la vendre ? Voyez vous-mêmes. Les autorités peuvent avoir des motivations au nom de l’intérêt de général. Je suis d’accord. Mais il faut avoir le courage d’assumer sa propre culture. Ce sont des soupapes comme il en existe dans tous les pays du monde. En Espagne, en France, au Japon, aux Etats-Unis, en Iran. Mais partout… Il faut donc faire preuve de dépassement et éviter de s’aligner sur l’opinion primaire qui ne fait même pas l’opinion générale. Nos juges sont intelligents. De toute façon, nous plaiderons pour le reste parce que c’est du droit.

Source: Le populaire

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