Cahier Ramadan: Guddi town vu par Nioxor

«Guddi town. Bëccek town. Yoor yoor town. Takusaan town. C’est quoi ça, couz’ Doof Joob ? Tout Dakar ne parle, ne vibre et vit que pour ça ? J’ai même les oreilles bouchées par tant d’hypocrisies, de délations, de voyeurismes. Notre société est malade de ses propres turpitudes.

C’est comme le pet ; on l’entend rarement, pourtant on vit constamment avec. Et puis, à propos de Ndèye Guèye ; je ne parle pas de celle que l’on a exhibé pour finalement mettre ses nuits sous haute surveillance judiciaire.


Je parle de la Ndèye Guèye, héroïne inconnue d’une vieille chanson du temps de notre jeunesse. Tu te souviens de la chanson et du rythme ?» Nioxor mime un batteur de tam-tam en chantant : «Ndèye Guèye ! D…., Ndèye Guèye, akka… té nekh». Soit honni qui mal y pense ! Doof Joob hoche la tête en se disant que son double couz’ à plaisanterie a vraiment raté une belle carrière dans la comédie.

Mais, Nioxor Njaay continue de plus belle son pamphlet : «On dirait que c’est maintenant seulement que l’on fait une découverte copernicienne, en étalant publiquement des prétendues danses obscènes. Han ! Han ! Han ! N’a-t-on pas vu dans ce pays des parades d’homosexuels, grands animateurs devant Satan, de meetings politiques ? Les journaux et autres revues pornographiques ne se vendent-ils pas comme de petits pains dans ce pays ? Qui les achètent ? Des martiens ? Des Ovnis ? Way, way, way !

N’a-t-on pas vu ici, dans notre pays, de pédophiles bas d’en bas devenus des hauts d’en haut ? C’est quoi nos fameuses soirées sénégalaises, dans les night-clubs où de grandes personnes demandent à des fillettes de faire des Yengël down d’enfer ?» Pour ne pas se faire entendre de Khémes, la douce moitié du ciel de son ami, Nioxor chuchote à l’oreille de Doof Joob : «Tu te souviens de notre soirée torride au Béthio Sine Night Club ?» Doof Joob se contente juste d’un balancement approbateur de la tête. Et son couz’ à plaisanterie de poursuivre son réquisitoire contre l’hypocrisie ambiante.

«Est-ce que ces gens qui jettent à la pâture les danseuses font le Dakar by night ? Tu as vu Guddi Ndakaru, toi, avec ces longues files de prostituées professionnelles et d’occasion, ces racoleuses aux audaces de meurt-de-faim ? Way, Way, Way, bugnu kenn sonnal ! (Que personne ne nous casse les pieds !)»

Ce jour-là, Nioxor Njaay était entré à vive allure dans la concession de son double couz’ à plaisanterie qu’il appelle, avec une plaisante affection, Doof Joob. Il s’était assis à même la natte, essoufflé en ce jour torride du ramadan, par les grands pas qu’il avait effectués. Il avait ôté son turban et son bonnet rouge pour les déposer sur la natte, les deux jambes croisées. Doof Joob, pas fou pour un sou, savait ce jour-là que Nioxor avait besoin de vider tout ce qu’il avait dans le ventre. D’oublier aussi les rigueurs de la pénitence.

Après avoir presque religieusement écouté son ami dont il partageait les récriminations féroces, Doof Joob se pencha sur son oreille pour lui demander :

«Dis-moi, Nioxor, au nom du cousinage à plaisanterie qui nous lie si longtemps et qui nous liera jusqu’au tombeau, il paraît que les juges et les avocats se sont enfermés pour visionner la cassette. En plein jour de ramadan. Dis-moi, est-ce que leur jeun est même valable ?» Nioxor Njaay s’empara, avec l’éclair d’un pagne furtif, de son turban et de son bonnet sur la natte avant de lancer à son ami : «Asbounala, Doof Joob, toi, tu es fou. Tu veux m’envoyer à la prison de Rebeuss. Je ne répondrai pas à cette question.

Et puis, comme dit l’autre Yallah rek a kham (Seul Dieu sait)». Les supplications de Khémes pour retenir l’ami de son époux, pour honorer un poulet rôti n’y firent rien. Nioxor avait décampé du lieu… comme un lapin. Allez, bonne chance, aux veilleurs sur les Guddi Town !

Nioxor - Le Quotidien

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