Me Ndiaga Fall avocat des danseuses de Goudy Town : « Ce qu'on voit sur le Cd, c'est ce que font les femmes entre elles habituellement »

Commis pour défendre les danseuses Fatima Dorénal, Ndèye Astou Gaye et Awa Guèye dite Ndèye Guèye, l'avocat Ndiaga Fall explique la genèse de la procédure judiciaire enclenchée par une plainte de l'une de ses clientes. Me Fall nous fait comprendre comment et pourquoi le procureur de la République est entré dans la danse en ordonnant une enquête. De même, il révèle les pistes explorables, demain, par les filles pour réparer le préjudice subi par cette diffusion.

Comment l'affaire « Goudi town » est-elle arrivée devant le juge ?
Tout est parti d'une plainte de l'une des filles, Fatima Dorénal, qui, ayant vu ces Cd, ayant été informé des conséquences très dommageables quant à son mariage , a déposé plainte près de la Dic. Les faits se sont produits à la boite « Alexandra », près du commissariat central, c'était une soirée sénégalaise. Avant le concours, les candidates ont obtenu l'assurance confirmée par deux ou trois responsables de la boîte qu'il n'y avait ni photo ni caméra , il n'y aurait rien qui s'étendrait au public. C'est un cadre privé ou public ? Je laisse le débat à la discrétion de ceux qui le veulent, mais c'était dans le cadre d'un night club. Même le propriétaire et le responsable de cette boîte ont été surpris (du film ndlr).

Est-ce qu'il y a un document attestant qu'il n'y aurait pas de caméra ?
Les responsables ont confirmé cela aux filles, elles ne savaient pas. C'est une tierce personne, on ne sait trop comment, qui a filmé. Ça ne pouvait être qu'une caméra cachée au vu de la qualité des images. Ce qu'on voit sur le Cd, c'est ce que font les femmes entre elles habituellement, à l'occasion de cérémonies de mariage, de baptême, etc. Nous Sénégalais, il suffit juste d'entendre ce son de tam-tam pour savoir ce qui se passe. Alors on continue, on ne regarde même pas. Hasardez vous là-bas, les femmes vous regarderont avec un œil de « qu'est-ce que vous faîtes là ? ». Je n'applaudis pas, je relativise. Cela veut dire qu'elles n'avaient pas cette intention. C'est une fille (Fatima Dorénal) qui a pris l'initiative de porter plainte contre X pour que les auteurs de cette diffusion publique soient identifiés, appréhendés et éventuellement réprimés. Comme c'est une infraction, le procureur a pu, valablement, s'associer et récupérer tout le dossier avec les résultats des investigations à la Dic, pour estimer que les filles ont pu ou seraient complices et lancer des poursuites et déférer tout le monde devant le tribunal.

Le caractère privé des lieux des faits a-t-il une importance juridique ?
Tout ce qui est de l'aspect technique, j'ai voulu réserver ma position. J'évite d'anticiper. Seul le juge, en toute indépendance, tranchera les questions d'ordre technique. Cela aura nécessairement une incidence selon que l'on répondra par la négative ou par l'affirmative.

On retrouve le film au niveau du net, mais aussi des téléphones portables ? Cela ne donne-t-il pas un autre cachet à l'affaire ?
C'est le problème dans cette affaire, cette diffusion de grande masse accessible à tous, avec les conséquences dommageables de part et d'autre. Je ne dis pas que je ne suis pas d'accord avec ceux que l'on est en train de poursuivre, ni avec certaines parties civiles, en tant qu'associations de consommateurs ou maîtres coraniques. Parce qu'ils défendent des valeurs, moi Sénégalais, je partage et j'épouse ces valeurs. Mais, il faudrait situer : envers qui.

Les filles ne pourraient-elles pas se retourner demain pour porter plainte pour atteinte à leur image ?
Bien sûr. C'était, à la limite, la préoccupation de Fatima Dorénal qui avait lancé sa plainte. Elle s'est sentie outrée, atteinte dans son droit à l'image, sa dignité, son honneur. A terme, elle aurait pu solliciter une réparation au civil, mais le procureur a estimé qu'en lançant cette plainte, et avec l'enquête, il y a infraction. Et instruction a été donnée à l'enquêteur de prendre tout le monde pour que l'on juge en même temps l'aspect délictuel. Elle peut toujours revenir sur sa plainte et se retourner contre ses auteurs.

Peut-on s'attendre à une autre action à l'image de celle de Fatima ?
Je suis à la disposition de mes mandantes. Si au terme de cette affaire elles estiment toujours devoir poursuivre pour la réparation de leur préjudice, je n'y verrai aucun inconvénient. C'est une probabilité, à la limite, une continuation. Ceux-ci sont identifiés. C'est aussi montrer aux autorités que nous n'avons pas été à l'origine de ces faits. Il n'y a pas eu cette intention. C'est ce qui leur a valu cette position de complices dans cette affaire. Sans cette plainte, elles auraient pu être considérées comme auteur principalement, au même titre que certains.

A quoi s'exposent les personnes commercialisant les Cd de « Goudi town » ?
C'est toujours une infraction qui est là, évidemment. Je profite de votre question pour dire : « pourquoi pas le prolongement de l'action jusqu'à ces gens ? ». C'est comme les jeunes qu'on ramasse à Sandaga et ailleurs en train de vendre certains Cd.

Mais, ces jeunes vendent des œuvres originales piratées tandis que dans cette histoire, il n'y a rien d'original. La commercialisation pose problème...
Ils s'exposent à la sanction, tout naturellement.

N'êtes-vous pas tentés de vous dire : « pourquoi attendre maintenant ? »
Le procureur de la République a un pouvoir en cas d'infraction qu'il constate ou qui lui est dénoncée, de déclencher l'action publique. Soit en sollicitant une enquête pour que ce soit plus clair et poursuivre éventuellement pour la répression. Soit c'est constant, c'est flagrant, il appréhende et défère à la sanction du tribunal. C'est seulement en 2007 que les Cd ont été disséminés comme du petit pain ça et là. Les intéressés ont été surpris, choqués. En 2005, c'était un concours dans un cadre privé, avec assurance qu'il n'y avait pas de film. Ayant été avisées certainement en premier, elles ont saisi la Dic. C'est grâce à l'action du procureur qu'on a pu identifier les auteurs ou avancer par rapport à X.

Irez-vous jusqu'à demander au tribunal qu'on diffuse le film à l'audience ?
Ça a fait l'objet, tout à l'heure, devant le tribunal, au moment de la demande de renvoi. C'est un film, il aurait été intéressant de pouvoir amener tout ce qu'il faut techniquement pour qu'on puisse le mettre là. Le tribunal apprécierait mieux et les parties. Au besoin, on avance, on recule, on arrête et on constate. Ce serait mieux dans cette affaire, au-delà de l'aspect choquant. Je crois que le président, sans trop s'aventurer, a dit pourquoi pas. Le juge n'y a pas vu d'inconvénient. C'est raisonnable et sage de sa part.

Source: Le Soleil

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