Maïmouna Guèye, comédienne : La belle rebelle

Comédienne sénégalaise installée en France, Maïmouna Guèye séduit avec ses deux principales pièces qu’elle interprète à Paris tout l’été : Les souvenirs de la dame en noir et Bambi, elle est noire, mais elle est belle. Deux tragi-comiques qui dépeignent certaines tares de sa société de naissance et de celle qui l’a adoptée.

Elle joue ce qu’elle écrit. Elle écrit ce qu’elle joue. Sa plume pour intérioriser ses peines, ses souffrances. Sa parole pour les partager avec les autres. Maïmouna Guèye, jeune perle noire aux pays des blancs, évoque à travers ses pièces, ses convictions, sa révolte vis-à-vis de certaines croyances. De son passé sénégalais et de sa première vie française, Maïmouna s’en inspire pour ses interprétations. Ses textes sentent le vécu. Presque l’autobiographie.

«Cette histoire n’est ni conte, ni fable», avertit-elle au moment de jouer Bambi, elle est noire, mais elle est belle. Dans sa première pièce, Les souvenirs de la dame en noir, elle parle sévèrement de l’excision et la polygamie. A travers un personnage fou, la native de Thiès critique ce qu’elle pense être des boulets retardant son pays. «Pour moi, cette pièce est la révolte d’une jeune femme qui veut que les choses avancent. Quand je fais des critiques sur mon pays, ce n’est pas la Sénégalaise qui parle, c’est l’auteure africaine, l’auteure universelle.»

Son universalité, elle le revendique, tout comme elle s’octroie le droit de critiquer avec un langage sec et dur parfois. Ses textes (notamment celui de Bambi, elle est noire, mais elle est belle) regorgent, en effet, de mots crus, à la limite du grossier pour parler du désir naturel de la femme, du viol ou de l’amour. Des mots qui font tiquer parfois le spectateur français et qui pourraient choquer son homologue sénégalais.

Pour autant, la jeune femme à la chevelure ébène et abondante, au regard captivant, n’entend ni changer, ni atténuer le scénario de sa pièce qu’elle compte jouer au Sénégal. «Ce serait tricher, s’il fallait enlever tout ce qui est désir dans ce texte, tout ce qui est désir de la sexualité d’une femme. Ce serait aller à l’encontre de mes convictions, je n’ai plus envie de ça... Je n’ai pas envie de me censurer et je ne le fais pas en France, pourquoi le faire au Sénégal ? Je n’ai pas envie de me mentir, ni de mentir à mon pays. Je fais partie de cette génération qui n’oublie pas que ses racines sont bien africaines, mais qui a appris ce qu’est la liberté d’expression.»

On l’aura compris, Maïmouna est une révoltée de la vie. Une «dame en noir» dans les sociétés où elle a vécu. Une matraquée du destin qui se sert du théâtre comme d’un remède et qui n’a plus envie de faire des concessions. Surtout sur scène. «Écrire et jouer du théâtre, c’est une forme de thérapie pour moi. J’ai besoin de critiquer, j’ai besoin de crier l’injustice pour vivre. Pour moi, le théâtre, c’est avoir ses propres convictions et les poser sur scène.»

Et dans son espace vital, elle donne tout et partage tout. Sa beauté, son corps, sa voix enivrante quand elle chante, ses formes sensuelles et sa grâce quand elle danse. Elle se dépense sans compter comme si cette scène, sa scène, était sa vraie vie, tant ce qu’elle a déjà vécu a fini de la blinder.

Sa première vie commence au Sénégal : un père, Bakary, qui part comme immigré clandestin et qu’elle ne revoie pas pendant plus de dix ans. Des parents qui meurent à une année d’intervalle. Sa société qui la met au ban quand elle s’entiche d’un toubab. «J’étais la Sénégalaise qui s’est européanisée. Tu es hors société quand tu sors du cercle établi par la famille et tu es considérée comme une blanche. Mais, je porte la couleur africaine jusqu’au bout de mes ongles.»

Sa deuxième vie française avec son mari. La rencontre avec ses beaux parents, Auvergnats pure souche, producteurs de fromage qui ne connaissent l’Afrique qu’à travers les infos, au mieux grâce à Thalassa. La belle mère qui tend à sa belle fille une banane lors de leur première rencontre et la présente comme un trophée ramené d’Afrique par son fils. «Elle est noire, mais elle est belle», dit-elle. A partir de là, Maïmouna Guèye n’a pas eu besoin de beaucoup d’inspiration pour écrire sa deuxième pièce. «Bambi, elle est noire mais elle est belle : c’est le deuxième regard que j’ai eu à poser et c’était très nécessaire. Après avoir évoqué les problèmes de chez moi, il me fallait évoquer les problèmes que peut rencontrer une femme noire en France. C’est le problème de l’intégration, du racisme ordinaire, des problèmes avec la belle famille.»

Aujourd’hui, divorcée, elle trace sa route en France grâce au théâtre. Critiquant l’être humain, qu’il soit noir ou blanc. «Je critique tout ce que je ressens, que ça soit en France ou au Sénégal. Mon regard est humain et mon écriture universelle», résume-t-elle. Elle n’a pas envie de passer pour la déracinée, ni pour celle qui ne veut pas s’intégrer.

Repoussée dans son pays, rejetée par sa belle famille française, cherche-t-elle toujours encore son milieu juste ou sa bonne place ? «La question est : est-ce que j’ai envie de trouver une place quelconque. La place qui m’intéresse, c’est d’être en liberté chez moi. Le regard de l’autre, à la limite, je m’en f… Je ne veux pas me forger quelque chose qui n’est pas en moi pour plaire aux autres», avertit-elle. N’en déplaise, ses pièces ont, elles, conquis le public.

Clicker ici pour decouvrir Mamouina sur Myspace

Source: Le Quotidien

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Nous venons, mon épouse et moi de nous délecter du spectace de MAÏMOUNA GUEYE: BAMBI, elle est noire mais elle est belle: excellent, nous nous sommes régalés.
Félicitations à l'artiste, le texte est beau et l'artiste est belle dans ce one woman show.
Comme diraient mes jeunes frères, BIG RESPECT

caro a dit…

j'ai découvert maïmouna dans les monologues du vagin, elle est extraordinaire,elle joue avec toute son âme...j'ai hâte de la voir dans Bambi...
merci pour ce moment émouvant
caro

 
{http://www.leboytown.blogspot.com/}.