Imposé par les uns rejeté par les autres, le mariage traditionnel divise parents et fils d'émigrés hal pular

Fouta, c'est si loin mais qu'importe. Un mariage se célèbre avec fastes au nord du Sénégal ? Hé bien les Dème, des hal pular établis à Montargis en France, ne feront pas exception. En ce jour où leur fille convole en justes noces, ils ont mis les petits plats dans les grands pour une fête que les invités n'oublieront pas de sitôt.

Après quarante ans de célibat rythmés par de nombreuses demandes repoussées par les parents au motif que les prétendants ne sont pas de la même ethnie que leur fille, cette dernière a fini par trouver le parti dont rêvaient pour elle papa et maman. Ainsi, c'est des parents aux anges qui reçoivent les nombreux invités affluant de partout.

Pourtant, derrière les sourires et les regards fiers, des invités ne peuvant s'empêcher de se demander combien de jeunes filles hal pular de la deuxième génération d'émigrés vivant en France ont pu réussir de la sorte à trouver un mari avec la bénédiction de leurs parents.

L'âge de la mariée, quarante ans, renseigne sur la situation vécue par les enfants de la deuxième génération d'émigrés qui à force d'être guidés dans leur choix de vie à deux par leurs parents ont fini par se scinder en deux camps aux aspirations diamétralement opposées. L'un est resté fortement à cheval sur les croyances ancestrales comme le respect des classes sociales et du code de l'honneur, là où l'autre porté sur l'ouverture est plus proche des réalités occidentales.

Il est ainsi fréquent d'assister à des rapports conflictuels voire à des ruptures entre père, mère et enfants lorsque la fille ou le fils pensent à se marier en dehors des canaux traditionnels.

Selon plus parents interrogés par l'envoyée spéciale de l'APS : ''il ne peut y avoir de mélange possible entre un noble, un +casté+ ou un esclave''. Seuls, les gens appartenant à la même caste ou partageant les mêmes réalités sociologiques sont autorisés à s'unir et il ne saurait être question pour ''un casté'' ou pour ''un esclave'' de demander la main d'une fille ''noble'', ajoutent-ils.

Vivant dans un monde différent au plan des repères et des valeurs sociales de celui avec qui voudraient les voir s'allier leurs parents, plusieurs fils d'émigrés attachent moins d'importance aux considérations et aux conditions du mariage dont s'entourent papa et maman.

Cachottiers, ils préfèrent ne pas évoquer le sujet en famille et attendent la majorité pour partir loin de toute pression avec celui ou celle qu'ils ont choisi. Au grand désarroi des parents.

C'est dans un élan d'impuissance que Néné Dème lâche à ce propos : ''on aimerait, bien que vivant en Europe, nos enfants se marient entre eux dans le respect de nos coutumes et des traditions de la culture hal Pular.

Mais impossible de leur faire entendre raison, ils ne sont guidés que par leur quête d'amour et de bonheur faisant fi de la couleur ou de l'appartenance sociale ou religieuse de l'élu (e) de leur cœur''.

Les jeunes, ajoute-t-elle, se soucient peu du mariage tant qu'ils vivent bien leur histoire d'amour basée sur le respect, la compréhension, la complicité et le partage.

Plus vindicatif, son mari renchérit : ''c'est une vraie honte et un déshonneur quand je vois ces enfants se mettre ensemble sans même attendre d'être mariés''. Aujourd'hui à la retraite, l'homme a du mal à admettre l'union libre des enfants d'émigrés malgré ses plusieurs années vécues sur le sol français.

Farouche gardien des valeurs du terroir, il explique que lui et ses semblables agissent uniquement dans l'intérêt de leurs fils ''afin de les préserver pour qu'ils ne se perdent pas dans cette Europe mais surtout qu'ils puissent demain se retrouver parmi les leurs''. ''Nous tenons à leur inculquer notre tradition et notre propre culture parce qu'ils ne doivent pas oublier qui ils sont et d'où ils viennent'', poursuit-il.

Face à l'entêtement des jeunes à vivre leur vie comme ils l'entendent, des parents emploient la manière forte en les envoyant --c'est surtout le cas des filles-- au village. Là, quel que soit leur niveau intellectuel ou scolaire elles sont données en mariage à des cousins qu'elles n'ont jamais vu ou connu. Ainsi, le mariage est célébré et consommé sur place.

Après quoi, la mariée retourne en France où elle se lance dans les démarches administratives pour faire venir son mari qui sur place et en attendant qu'il ait du travail, est entretenu financièrement par son épouse, aidée par ses propres parents.

Cette trouvaille des parents ne fait qu'exacerber les rapports conflictuels entre les deux camps, d'où ce cri du cœur d'un groupe de jeunes filles peu portées sur les mariage dirigés : ''c'est une vraie tyrannie !''.

Elles jugent inacceptable la méthode consistant à les obliger à épouser des gens avec qui elles ne partagent ''absolument rien''.

L'une des jeunes filles, Maïmouna, accuse sans détour ses parents d'avoir détruit sa vie. ''Ils m'ont forcée, s'indigne-t-elle, à épouser un cousin avec qui je ne me suis jamais entendue et au bout de deux ans, on s'est séparés. Je me retrouve toute seule avec deux enfants dans les bras et le comble, mes parents me reprochent d'avoir mis un terme à ce qu'ils avaient construit''.

Ils considèrent même que je les ai ''humiliés'' en provoquant le divorce, indique Maïmouna, le regard perdu dans le vide.

A ce rythme, on comprend pourquoi le mariage tardif de certaines filles qui dans un premier temps jurent de ne jamais se mettre la corde au cou dans de telles conditions. L'instinct maternel prenant toutefois le dessus, elles se promettent toutefois d'adopter plus tard des enfants.

Pour, Khadjatou Ly, il n'est pas question pour les filles d'abdiquer mais c'est aux parents de se remettre en question. ''Nous ne pouvons plus accepter ces choses, la preuve beaucoup de mariage contractés de la sorte volent en éclats au bout d'un certain temps et ces histoires laissent souvent des conséquences douloureuses'', souligne-t-elle.

Une dame ayant requis l'anonymat raconte qu'une de ses filles à qui on destinait à un mariage traditionnel a tout simplement tiré un trait sur sa famille avant d'aller rejoindre son amoureux, un blanc. Qui plus est, un non musulman.

''Son père ne lui a jamais pardonné cet acte et moi j'ai perdu tout contact avec ma fille. Je ne sais rien d'elle et pourtant elle vit ici en France'', raconte-t-elle.

A vouloir trop tirer sur la corde, nombreux sont les parents qui ont vu leurs enfants prendre la clé des champs. Des familles ont été ainsi divisées et aujourd'hui beaucoup de parents reconnaissent qu'ils vivent un vrai drame pour avoir obtenu tout le contraire de ce qu'ils voulaient pour leurs rejetons.

''Nos enfants se détournent de leur famille et épousent à la place de leurs cousins, des blancs, des enfants d'autres communautés. C'est un vrai désastre'', s'alarme le vieux Dème reconnaissant ainsi l'impuissance dans laquelle se trouvent plusieurs émigrés face à l'attitude rebelle de leurs enfants.

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