Tiken Jah: En permanence sur le front de la résistance et de la critique

Figure de la nouvelle scène reggae ivoirienne, Tiken Jah Fakoly est aussi un des porte-parole de la jeune génération de son pays et de l’Afrique face aux difficultés politiques et sociales.

Troisième enfant de la famille, Doumbia Moussa Fakoly naît le 23 juin 1968 à Odienné au Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire. Issu de l’ethnie malinké, il est le descendant d’un chef guerrier, Fakoly Koumba Fakoly Daaba, et membre d’une famille de griots, ces dépositaires de la tradition orale contant Histoire et légendes d’un peuple, d’un pays, mais aussi l’histoire des familles Avec du sang guerrier et griot dans les veines, Tiken Jah est, avant même de voir le jour, prédestiné au front.

Auteur-compositeur, Tiken fait vite un malheur en Côte d’Ivoire. En 94, son groupe, Djelys, qu’il a formé en 1987 avec Joffrey, son ami ghanéen, est en tournée et sort leur deuxième album « Missiri ». A cette époque, les premières élections qui ont lieu après la mort d’Houphouët-Boigny en 1993 donnent lieu à de violentes manifestations. C’est là que Tiken Jah Fakoly écrit ses premiers titres sur la situation politique pour en dénoncer les excès. Il en tirera une grande popularité auprès de la jeunesse. Il est également invité dans quelques meetings politiques.

Le plus célèbre de ces titres, sorti en 1996, est « Mangercratie » qui le fait connaître dans toute l’Afrique de l’Ouest. Il y évoque la revendication des Africains de vouloir avant tout un régime (sans jeu de mots…) où l’on mange, et non des régimes politiques, des « craties » en tout genre, qui les privent de leurs droits y compris celui de manger, « le droit de tous à la soupe ». Ce disque, en dépit de quelques censures de la part des médias officiels, reste classé pendant cinq mois en Côte d’Ivoire et est à la source de son immense succès - désormais en solo - à partir de 1997. Cette année-là, on le voit jouer dans des stades face à 20.000 personnes. Il est invité de tous les festivals ivoiriens.

Abidjan-Paris-New York
En mai, l’album « Mangercratie » sort en France sous un pressage spécial. C’est à cette occasion qu’il retrouve le groupe Sinsemilia qui l’engage pour toute sa tournée, été et automne. C’est ainsi qu’il se retrouve sur les scènes de grands festivals estivaux tels celui de Fourvière à Lyon ou des Francofolies de La Rochelle.

Mixé en Jamaïque, son nouvel album « Cours d’Histoire » sort à la fin de l’année en Côte d’Ivoire, et connaît une nouvelle fois un fort succès critique et commercial dans tout l’Ouest africain. L’artiste aborde toujours des thèmes de société mais aussi son rapport à la tradition et aux ancêtres (« Descendant »). Peu de temps après le putsch mené par le général Gueï en décembre 1999, Tiken retourne en studio en Côte d’Ivoire pour enregistrer de nouvelles chansons destinées à rappeler au nouveau chef d’État les promesses qu’il avait faites.

L’album « Le Caméléon » sort en 2000 uniquement sur le marché ivoirien, alors qu’à la même époque « Cours d’Histoire » sort en France. Quelques mois plus tard, son pays est en proie à de violents heurts internes à la suite à d’élections houleuses. Là, plus que jamais, Tiken Jah Fakoly se révèle l’emblème de la jeunesse, portant haut une parole de résistance et de critique face aux événements et aux politiciens.

« Françafrique »
Devenu une vraie figure du paysage musical ouest-africain, Tiken entre dans l’écurie Barclay qui lui donne un budget d’enregistrement beaucoup plus important que sa maison de disques précédente. Il faut dire qu’en Afrique, Tiken a vendu plus de 500.000 exemplaires de « Mangercratie » et l’on ne peut dénombrer toutes les copies pirates de l’album.

En février 2002, il sort un disque intitulé « Françafrique » enregistré en Jamaïque dans les mythiques studios Tuff Gong avec les célèbres Sly et Robbie (basse et batterie), le guitariste Earl Smith et Tyrone Downie, au clavier et à la production. On compte aussi deux invités prestigieux, U Roy (sur « Justice ») et Anthony B. En fait, « Françafrique » reprend des anciens succès de Tiken comme « Le pays va mal » ou « Y’en a marre » et propose au public international un florilège de ses meilleurs morceaux chantés tour à tour en français, anglais et dioula. Pour défendre ce disque, il part en tournée française et se produit notamment à Paris à l’Elysée-Montmartre le 28 février.

Le temps de la reconnaissance
Tiken Jah participe à tous les grands festivals de l’été 2002 (des Vieilles Charrues à Carhaix en Bretagne jusqu’à la Fête de l’Humanité) avant de reprendre sa tournée française fin septembre. Les événements politiques en Côte d’Ivoire l’empêchent de retourner dans son pays, son nom se trouvant sur une liste des hommes à éliminer. Il est contraint à l’exil entre Bamako et Paris et doit annuler la tournée qu’il avait programmé courant décembre dans son pays. Il participe à la compilation « Drop the Debt » (Annulons la dette) qui sort fin janvier 2003 avec Césaria Evora, Sally Nyolo, Massilia Sound System et une quinzaine d’autres artistes.

Le 15 février 2003, Tiken Jah Fakoly est primé aux « Victoires de la musique » française pour son album « Françafrique » comme meilleur album Reggae/Ragga/World de l’année, ex-aequo avec le groupe corse I Muvrini. Fidèle à ses convictions, Tiken Jah profite de cette cérémonie pour réclamer l’indépendance de l’Afrique. Trois jours plus tard, il participe au concert d’ouverture d’ « Un autre sommet pour l’Afrique », plateforme des opposants au sommet France-Afrique qui se déroule la même semaine dans la capitale française.

« Coup de gueule »
Le reggaeman ivoirien repart pour Kingston en Jamaïque pour enregistrer un nouvel album aux studios Tuff Gong. Il fait de nouveau appel à Tyrone Downie pour la réalisation, à Sly Dunbar et Robbie Shakespeare pour la section rythmique. « Coup de gueule » sort en septembre 2004 et porte toujours le message qui tient à coeur de l’artiste exilé, celui de la lutte pour le continent africain, pour la cause altermondialiste, contre la corruption, etc.

Plusieurs invités contribuent à l’ouverture de la musique de Tiken vers d’autres horizons : Didier Awadi de Positive Black Soul sur « Quitte le pouvoir », les frères Amokrane de Zebda sur « Où veux-tu que j’aille » et Magyd Cherfi qui co-écrit « Tonton d’America ».

Le 2 octobre alors que Tiken Jah Fakoly aurait souhaité lancer cet album en Côte d’Ivoire, c’est en réalité au stade Modibo Keïta de Bamako que près de 20.000 personnes se déplacent pour écouter les chansons de son nouvel album.

Véritable showman, c’est sur scène qu’il révèle son grand talent. Les deux années suivantes sont consacrées aux concerts. On peut aussi l’entendre sur les albums de ses collègues puisqu’il assure de nombreux featurings : sur le titre « Stoppez les criminels » (« Un autre monde est possible ») de Didier Awadi en 2005, sur « Africa » et « On veut se marier » (« Electric griot land ») de Ba Cissoko en 2006, sur « Si si » (« Je blesserai personne ») de Pierpoljak en 2006 et sur « Africa Taferka » (« La France des couleurs ») de Idir en 2007. Profitant de sa notoriété et de sa position de leader du reggae africain, Tiken Jah Fakoly organise en janvier 2006, l’ « African Reggae Festival » à Bamako au stade Modibo Keita. Il invite de nombreux artistes et pour un certain nombre d’entre eux, les prend sous son aile pour la production de leur album dans ses studios installés dans la capitale malienne. C’est ainsi que l’opus de son ami Beta Simon « Kraity Payan Guez », est la première sortie du label Fakoly Production.

« L’Africain »
Au début de l’année 2007, le reggaeman se produit au Mali, il enchaîne des dates en Europe jusqu’à l’été. On le retrouve dans de grands festivals comme en juillet, à Dour en Belgique, au festival d’été de Québec ou au Sziget de Budapest en Hongrie pendant le mois d’août.

En septembre sort sur le marché français le nouvel opus de Tiken « L’Africain » enregistré à Bamako au Mali. En intitulant ainsi son nouvel opus, le reggaeman en appelle à l’unité du Continent. On retrouve dans cet album, le thème de l’inégalité avec notamment « Ouvrez les frontières », écrit avec Magyd Cherfi, qui stigmatise la conduite des pays du Nord refusant d’ouvrir leurs frontières alors que leurs ressortissants n’ont aucune difficulté à se rendre en Afrique.

Cherfi écrit aussi avec Tiken une adaptation en français du titre de Sting « An englishman in New York » devenu à cette occasion « Un Africain à Paris ». Tiken dénonce encore et toujours l’incurie du pouvoir (« Gauche droite »), et écrit même un titre sur la situation de son pays natal, chanté avec son compatriote Beta Simon (« Ma Côte d’Ivoire »).

Il est en concert à Paris à l’Olympia le 15 octobre, une des dates de la tournée française. Le 29 novembre, il entame une tournée africaine. En fait, pour la première fois depuis cinq ans, il revient en Côte d’Ivoire. Après la signature du traité de réconciliation nationale à Ouagadougou (Burkina Faso) en mars, le musicien peut enfin rentrer dans son pays à la faveur d’une situation politique moins tendue. Le 8 décembre, il se produit à Abidjan au parc des sports de Treichville devant de nombreux fans pour un concert de la « réconciliation ». Il partage d’ailleurs l’affiche avec d’autres artistes ivoiriens dont Ismaël Isaac et Serge Kassi. Son concert prévu le 15 décembre à Bouaké a été reporté.

Source: Rfi.fr

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