A Kayar, des parents s'opposent au rapatriement de leurs enfants des Canaries

"Je ne veux pas que mon fils unique, mon seul espoir dans la vie, revienne au Sénégal", lance en sanglotant Diodio Sèye, une ménagère du village de Kayar, au nord de Dakar.

Son enfant se trouve aux Canaries (Espagne), avec un millier d'autres jeunes Sénégalais partis clandestinement avec des adultes, à bord de pirogues, ces dernières années. Ils pourraient prochainement être rapatriés, si un accord est trouvé entre Madrid et Dakar, mais aussi avec les familles.

L'immigration est un des thèmes majeurs du sommet UE-Afrique, qui se tient samedi et dimanche à Lisbonne.

"J'ai emprunté 400.000 francs CFA (610 euros) pour faire partir mon fils à bord d'une pirogue. Qu'il reste en Espagne pour m'aider. Son père est décédé et je souffre d'hypertension", fait valoir cette quinquagénaire, essuyant ses larmes avec un pan de son boubou bleu.

Son fils, Ndiacé Mbaye, 17 ans selon elle, est parti en juin 2006 de Kayar, village de pêcheurs aux ruelles sablonneuses dans lesquelles courent de nombreux enfants aux pieds nus.

Ces mineurs, dont la plupart ont entre 10 et 13 ans, selon les autorités sénégalaises, sont rassemblés dans des centres de formation. En raison de leur âge, ils ne peuvent légalement ni travailler ni être rapatriés sans leur accord ou celui de leurs parents avant l'âge de 18 ans.

"Il y a des garçons qui n'ont pas déclaré leur âge réel à leur arrivée (aux Canaries) pour ne pas être rapatriés", s'ils ont 18 ans ou plus, précise un adjoint au maire de Kayar, Lamine Dramé.

Assise sur un sofa jaune dans son salon, près de son fils de cinq ans tenant un morceau de pain à la main, Khady Sall ne souhaite pas, elle non plus, le retour d'un de ses fils parti aux Canaries pour une vie meilleure. "Je ne dors plus depuis que le gouvernement a annoncé le retour (prochain) de nos enfants. Mon fils Mamadou Kâ a 17 ans. Il est parti en 2006 en Espagne. Qu'il y reste pour aider ses pauvres parents".

Mor Wade, paysan âgé de 50 ans, est le père de Youssou, 16 ans, "parti pour qu'il m'aide demain". "J'ai cotisé 300.000 francs CFA (environ 450 euros) pour cela".

Il exhibe un bout de papier blanc avec des inscriptions difficiles à déchiffrer censées indiquer le lieu de résidence en Espagne de son fils qui suit, selon lui, des cours d'"enseignement général" dans un centre de formation.

"Il y a 40 personnes dans notre maison. Mon frère, qui est en Italie, est seul à les faire vivre. Le gouvernement a autre chose à faire que les faire revenir", assure-t-il.

Quant à Maguette Bèye, vendeuse de pain et boulettes de poisson au coin d'une rue, elle assure ne pas vouloir "entendre parler du retour de Cheikhou Kâne", son fils de 16 ans parti en septembre 2006 en Espagne.

"Il m'a envoyé 100.000 francs francs CFA (150 euros) en octobre en épargnant l'argent qu'on leur donne dans le centre".

L'adolescent "étudie la menuiserie en Espagne et se porte bien", dit-elle en montrant une photo d'un jeune homme vêtu de jeans, avec casquette et chapelet à la main.

"A part Dieu, cet enfant est mon unique espoir. La pêche n'est plus rentable. Que va-t-il faire ici ?, ajoute-t-elle. Pour conjurer le retour annoncé de son fils, Khoudia Mbaye Dia ne cesse d'implorer Dieu: "Allah Allah", répète-t-elle sans cesse.

Elle trahit une angoisse que relaye sa voisine, Nogoye Mbodj: "Nos enfants n'auraient pas de place ici s'ils retournaient. Je dors dans une seule chambre avec mes six enfants".

Source: AFP

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