Devaluation du Franc Cfa: Abdoulaye Diop "Nous sommes couverts pour 4 à 5 ans au minimum"

Le débat sur la dévaluation ou non du franc Cfa continue de plus belle. Si le risque est réel, ce n’est pas par rapport à la situation économique au sein de l’Uemoa, mais plutôt par rapport à l’euro, la monnaie de référence du Cfa qui a tendance à trop s’apprécier face aux autres devises comme le dollar. Le ministre des Finances Abdoulaye Diop rejette tout projet immédiat de dévaluation et estime que les partenaires sont édifiés sur la question, rapporte Sud Fm.

« A notre avis, nous n’avons pas de raison de dévaluer le franc Cfa. Mais, lorsque les intellectuels ou les universitaires sont saisis du problème et ont commencé à en parler, j’avais d’ailleurs demandé à la Direction de la statistique de faire une étude. Ils m’ont fait une étude sur le Sénégal, je leur ai demandé de la compléter avec une étude sur la Côte d’Ivoire, parce que ce sont les deux économies les plus fortes de la sous-région de l’Uemoa - il faudra revenir sur ces études », renseigne le ministre d’Etat Abdoulaye Diop, ministre de l’Economie et des Finances.

Le grand argentier de l’Etat de poursuivre : « A la fin des études, nous avons vu qu’il n’y avait aucune nécessité de dévaluer et que nous n’avions pas à nous inquiéter. Certains de nos partenaires qui même s’interrogeaient et commençaient à y réfléchir nous ont contactés ; on a mis à leur disposition ses études qui les ont apparemment convaincus et on n’en a plus reparlé. Vous savez, on en a parlé il y a peut-être cinq ou six mois, personne n’en parle plus lorsqu’on leur a transmis les études. Ce sont des choses que nous ne faisons pas sur la place publique. Nous leur avons envoyé les études et nous leur avons montré qu’une dévaluation serait injustifiée, à l’heure actuelle, dans la zone Uemoa ».

Pour le ministre de l’Economie et des Finances une dévaluation du franc Cfa est impensable. « Aucun chef d’Etat n’est prêt actuellement et je pense que nous sommes couverts pour 4 à 5 ans au moins. Nous pouvons dire que pendant les 4 prochaines années, si tout se passe bien, au rythme actuel, il ne peut pas y avoir de dévaluation », de l’avis du ministre d’Etat Abdoulaye Diop.

Pr Ali Mbaye : « le taux de change est juste un élément de la compétitivité »
Le professeur Ali Mbaye, économiste, confirme. Les conditions ne sont pas réunies pour envisager une seconde dévaluation du franc Cfa. « Il est vrai que depuis un certain temps on a noté une appréciation de l’euro par rapport au dollar. Puisque le Sénégal et les autres pays membres de l’Uemoa ont une monnaie qui est arrimée à l’euro, ceci entraîne automatiquement une appréciation de la monnaie nationale par rapport au dollar. Si on compare le taux de change dollar/Cfa en 2002 et le niveau actuel, on se rend compte qu’il y a eu une appréciation extrêmement importante, parce qu’en 2002, on avait à peu près 1 dollar pour 800 F Cfa et maintenant on en est à 1 dollar pour à peu près 400 F Cfa. Donc il y a une réelle appréciation de la monnaie nationale.

Mais, ce qu’il faut comprendre, c’est que le taux de change est juste un élément de la compétitivité », entame le Pr Ali Mbaye. L’économiste d’ajouter : « Pour penser à une dévaluation, il faut considérer bien sûr le taux de change, mais il y a autre chose qu’il faut considérer : comment est-ce que les salaires ont évolué pour les différents pays de L’Uemoa et les autres pays concurrents, sur les marchés internationaux ? Il faut aussi regarder comment est-ce que les productivités ont évolué, entre autres. Je crois qu’on ne peut pas simplement se fonder sur une simple appréciation du taux de change officiel pour décider qu’il faut dévaluer ou non. Je crois que le contexte n’est pas du tout pareil à ce qu’on avait observé en 1993, c’est-à-dire à la veille de la dévaluation 1994.

On avait des règles de change qui fondaient, des anticipations des agents économiques qui pensaient que la situation n’était pas tenable et devait conduire à une dévaluation. Et donc les gens exportaient leur monnaie nationale en contrepartie de devises ». A en croire le professeur Ali Mbaye, « on n’en est pas à cette situation. Les règles de change de la Bceao sont assez appréciables et je ne crois pas que la situation de façon générale soit la même qu’en 1993 ».

Empêcher l’envolée incontrôlée de l’euro
Le danger n’est pourtant pas totalement écarté. Les risques de décrochage du franc Cfa par rapport à l’euro sont réels, une coopération entre les Banques centrales est nécessaire pour empêcher l’envolée incontrôlée de l’euro, selon l’avis du professeur Dominique Pluon, économiste, enseignant à l’Université Paris Nord. « Il y a risque en effet de décrochage du franc Cfa par rapport à l’euro, parce que l’euro s’envole trop et donc ce qu’il faut, tant pour les Européens que pour les Africains, c’est que les Banques centrales interviennent pour empêcher cette envolée de l’euro, parce que là il y a un vrai problème. Je pense que le risque est réel, donc le seul moyen de lutter contre ce risque, ce serait une coopération entre les Banques centrales pour arrêter l’appréciation excessive de l’euro », renseigne le Pr Pluon.

L’économiste français poursuit : « Aujourd’hui, c’est qu’on est dans un monde très bizarre. D’un côté, la Banque centrale européenne laisse l’euro monter, n’intervient pas et en face, on a des pays comme la Chine qui, au contraire, interviennent massivement pour empêcher leur monnaie de s’apprécier par rapport au dollar alors qu’elle devrait s’apprécier. Donc il y a des déséquilibres monétaires qui se produisent aujourd’hui, avec des Banques centrales qui n’ont pas de bonnes politiques. C’est-à-dire que la Banque de Chine devrait laisser sa monnaie s’apprécier un peu et, symétriquement, la Bce devrait intervenir pour empêcher que l’euro ne s’apprécie trop ».

Source: Nettali

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