Chut ! Taisez-vous ! Tiken Jah Fakoly ne dérangez pas ! Laissez-nous opprimer notre peuple!

« Chut ! Taisez-vous ! Tiken Jah Fakoly ne dérangez pas ! Laissez-nous opprimer notre peuple ! » Telle est notre lecture de l’arrete tristement célèbre de notre très cher ministre de l’intérieur déclarant un africain comme lui persona non grata au Sénégal.

Cet arrete ressemble fort bien à une grenade dégoupillée dont la cible serait « le panafricanisme » de son leader, le président Maître Abdoulaye. L’intolérance nous dégoûte sous toutes ses formes. La politique de l’autruche de même. Cacher sa tête dans un trou en laissant tout le reste dehors à la portée de l’ouragan est une forme d’ineptie qui nous fait horreur.

Dans les grandes dictatures, celui qui gouverne le ventre gouverne le pays. Au rythme où va la diète nationale, nous ne sommes plus très éloignés d’une telle situation. Alors, qu’un artiste panafricaniste de la trempe de Tiken Jah Fakoly accepte de prêter sa voix au combat pour la délivrance de notre peuple, quoi de plus normal ? D’autant que nous serions même tenter, au vue de ce qui se déroule devant nos yeux tous les jours de dire, comme le poète Umar Timol, « qu’ici c’est le règne du n’importe quoi couplé au n’importe comment ».

Monsieur le ministre, avez-vous une fois entendu le conseil du maître brésilien du tambour Ilé Axé qui dit : « La musique est le moyen le plus apte pour ignorer les frontières et les continents » ? Tiken Jah est un musicien. C’est-à-dire qu’il n’a pas besoin d’être au Sénégal pour se faire entendre par ses milliers de fans et par la population. Tiken Jah est aussi un talentueux poète. Il sait choisir le mot juste et le moment adéquat pour le dire afin de bien remplir sa mission : s’attaquer à tout ce qui peut encourager l’injustice, le chaos, la corruption, la dictature et l’émiettement de l’espoir.

N’avez-vous pas constaté monsieur le ministre que depuis plusieurs années déjà, son œuvre sillonne le monde entier en s’inscrivant dans la dynamique d’offrir à la vie de la beauté et à l’opprimé de l’espérance et de la confiance en soi ? Pensez-vous monsieur le ministre qu’une telle mission peut s’accomplir si elle s’octroie la légèreté de ménager qui que se soit ? Son but ultime poursuivi réside dans l’intérêt des peuples d’Afrique, des communautés, du continent et non pas dans celui d’un individu ou d’un clan.

Monsieur le ministre, en foulant le sol sénégalais, l’odeur écœurante émanant de la gestion calamiteuse du pays par votre régime a sûrement envahie les narines de cet artiste panafricain. L’international Tiken Jah a parlé parce que choqué par votre gouvernance repoussante, il a parlé en tant que défenseur chevronné de la cause des peuples d’Afrique parmi lesquels figure en bonne place le notre. L’histoire retiendra que, pour avoir exprimer son opinion sur la politique du pays à sa façon, cet Icône africain et mondial de la musique a été déclaré persona non grata au Sénégal sous le régime de l’alternance par le ministre de l’intérieur maître Ousmane Ngom au moment où son mentor ne cesse de parcourir l’Afrique et le monde entier pour défendre l’idée de la création des Etats-Unis d’Afrique, l’idée d’un gouvernement continental. Quelle contradiction ! C’est une pure honte pour tout panafricaniste, pour tout démocrate véritable.

Monsieur le ministre, les voix sénégalaises ont devancé Tiken Jah pour exprimer leur ras le bol face à ce régime en place. Une grande partie de la jeunesse l’a matérialisé en prenant la mer au péril de sa vie ou par des émeutes récemment dans les rues de la capitale. Et la liste n’est pas exhaustive. Mais Tiken, lui, n’a pas le droit d’émettre son opinion parce qu’il est d’un autre pays d’Afrique. En suivant cette logique, nos artistes d’ici, à l’image de Youssou Ndour, Coumba Gawlo Seck, Omar Pene n’avaient rien a faire dans la lutte contre l’apartheid en son temps. Ils devaient certainement se taire et laisser Peter Botha et son régime poursuivre allégrement leur sale besogne en Afrique du sud. Suivre cette logique voudrait peut être aussi dire que nos cinéastes et écrivains, à l’image de Moussa Touré et Boubacar Boris Diop qui ne cessent de parcourir le continent africain en fouillant au Rwanda, en Burundi et ailleurs dans les ruines des bêtises des assoiffés de pouvoir pour créer des œuvres qui puissent dirent aux africains et au monde « Plus jamais ça ! », ont tort.

Monsieur le ministre, Tiken Jah n’a fait que son devoir d’artiste. Après avoir salué en mars 2000 l’avènement de l’alternance au Sénégal et constaté depuis qu’elle a été tronquée, immolée sur l’autel des intérêts d’un petit groupe de profiteurs professionnels, il a jugé utile de dire à la face du monde sa déception que partage la majorité écrasante des sénégalais à l’heure actuelle. Mais il doit se taire paraît-il selon le ministre. Par contre, un Colonel Khadafi peut demander à notre représentation nationale de faire de Wade un président à vie sans être déclaré persona non grata au Sénégal. Tant que le propos arrange le palais, il est le bienvenu. Au cas contraire, on sévit sévèrement pour l’empêcher de prospérer.

Il n’y a pas de crédibilité plus dévaluée que celle de ce régime à cause tout d’abord de la souffrance profonde du peuple, ensuite de la sortie récente du président reconnaissant publiquement la crise au Sénégal, ce que nous appelons la déche populaire généralisée. Il est décrié et discrédité à cause de sa propension à ne produire que de la duperie au peuple. Et ce qui est le plus épouvantable c’est que nous devons, par respect de la République, le supporter encore jusqu’en 2012 en espérant qu’à cette date, des élections libres et démocratiques nous permettront de le bouter dehors dans la paix. En attendant, aucun décret ne pourra ligoter l’opinion des uns et des autres, qu’ils soient sénégalais ou autres. Le combat pour la conscientisation des masses opprimées poursuivra sa route.

Monsieur le ministre, descendez de votre piédestal et rectifiez le tir avant qu’il ne soit trop tard pour votre crédibilité. Faites le pour l’image de votre leader maître Abdoulaye Wade et pour l’image du pays. « En passant de la sorte, complètement à côté de soi-même, on va même jusqu’à pénaliser sa propre descendance. » Avertit Patrice Laranco. Malgré votre comportement politique qui n’est pas exempt de tout reproche du point de vue de l’éthique ces dernières années, nous avons gardé des souvenirs de votre engagement démocratique dans les années de braises entre 1987 et 1996. Ne gâchez pas cela en cherchant même à plaire à votre Patron. Ressaisissez-vous maître !

Tafsir Ndické Dieye - Ecrivain sénégalais ...

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