La face cachée des Sénégalaises de Mauritanie: Prostitution ''Sexe sous le meulfeu'' (2eme partie)

Dimanche, quartier Liksar: La fameuse «maison beige» a la porte grise collée à un garage où gisent des épaves de voitures ou de moteurs, couvertes de matière gluante.

A l'intérieur, une fille d'une quinzaine d'années débarrasse les bras pleins d'emplettes des Driankés qui suffoquent sous la canicule: elles ont passé leur fin de matinée à faire les boutiques du plus grand marché de Nouakchott.

Elles reçoivent dans la salle de séjour, où un plafonnier brasse, comme il peut, de l'air au dessus d'un mobilier chic, à la «marocaine.» Cinq chambres avec salle de bain, une cuisine et deux débarras composent cette maison louée à 250 000 F Cfa.

«Mor, tu viens ! Nous sommes revenues du marché», crie Isseu, tout en éjectant ses pieds de ses mocassins. Une voix suave s'échappe d'une des piaules : Mor déboule au salon, habillé d'un caftan de couleur blanche qui couvre son corps imposant. II traîne ses pieds charbon sur une moquette rouge sang, jette un bref coup d'oeil a l'assistance et dit en wolof : «Yène, nékhoulène ma dara ! (Je vous déteste !) Pourquoi vous ne m'avez pas réveillé pour que je vous accompagne au marché ?» feint-il de s'énerver. Assis en califourchon, il scrute les paquets déposés par terre par les filles et donne son avis sur les tissus qu'elles ont achetés : «Ce n'est pas de la bonne qualité !Je connais mieux que vous la vraie soie, vous vous êtes fait avoir», soutient-il d'un ton ferme.

Mor, truculent personnage d'une quarantaine d'années, est un des deux «hommes» d'une maisonnée qui comprend six «Driankés», prostituées et/ou proxénètes. De jour, trois d'entre elles se font passer pour des femmes de Mor, homosexuel originaire de Thiès. Et les trois autres pour des épouses de Doudou Thiam, l'autre homosexuel, maure haratine, qui habite la demeure.

A l'évocation de notre prétendue «cousine portée disparue», Mor, roule des yeux, pousse un cri strident, tape des mains, mouline une foultitude de gestes efféminés: «Elle n'est pas ici, mais je suis sûr qu'elle est en bonne santé. Elle est sans doute en train de s'adonner à la prostitution. La plupart d'entre elles font ce métier et changent de nom pour que leur famille ne les retrouve plus.» Encouragé par les signes approbateurs de «ses» femmes, il s'enhardit: «Moi-même, j'étais dans cette situation à mes débuts, car je

suis resté 3 ans sans donner de nouvelles à ma famille restée au pays. J'ai fait 15 ans ici et je les connais toutes. Si elle n'est pas en prison, car trois de nos filles y sont depuis trois mois suite à une rafle effectuée, dans cette maison, par la police, je la retrouverai.» Emballé, il ajoute : «Demain, on ira en prison pour demander aux autres si elles ne connaissent pas ta cousine.»

Cinquieme
La geôle des femmes se trouve dans le quartier «Cinquième», devant le garage «Sénégal». Des immondices à ciel ouvert couvrent la ruelle qui mène au centre de détention, immeuble banal de couleur ocre qui se dresse à l'angle. Un garde pénitentiaire chétif, torse dénudé, ouvre la porte. A la vue de Mor, il sourit et crie le nom d'une détenue : «Mame Faty, viens prendre ton repas.»

L'intérieur de la prison donne l'impression du déjà vu : une cour de concession banale et familière. Un endroit sympathique et très propre. Les filles, visiblement à l'aise dans leur costume de détenues, semblent s'être habituées aux lieux. Elles sont huit Sénégalaises, toutes prises en flagrant délit de prostitution clandestine.

Mame Faty, Maty, Mame Diarra, Madeleine et les autres avancent d'un pas hésitant, le regard fuyant, un voile occultant une partie de leur visage. De la silencieuse compagnie, Mame Faty semble la plus éprouvée. Elle tire une gueule interminable. Et son faciès se résume en un effroyable rictus. Plus tard quand on aura fini d'installer un climat de confiance, elle se confiera, loin des oreilles indiscrètes de ses co-détenues : «Ma fille est à l'Université de Dakar. Pendant trois mois, elle n'a eu aucune nouvelle de moi et il a fallu que je supplie le garde pénitentiaire pour qu'il m'autorise à lui téléphoner une fois, sous peine de voir ses études perturbées à jamais, car elle n'arrête pas de demander après moi à sa grand-mère. Quand je l'ai eue au bout du fil, je lui ai dit que les douaniers avaient confisqué ma marchandise à Nouadhibou et que donc j'étais là-bas pour la récupérer», raconte-t-elle. En pleurs.

Mame Faty a 45 ans, une grande taille et un teint éclairci sous l'effet du Xessal. Une postiche brune à la place des cheveux, elle s'essuie les larmes avec un pan de son boubou bleu marine qui couvre son immense corps flasque, en perte de vitesse après 15 ans d'assauts de mâles de passage. Entre deux hoquets, elle maugrée : "J'ai déjà dépensé 300 mille francs Cfa pour ma liberté, mais l'avocat que j'ai commis n'a pas encore fait de résultat (sic). Je ne sais vraiment pas quand je sortirai d'ici, je n'ai plus aucun espoir», souffle-t-elle dans un élan de désespoir.

Venue deTouba,il y'a une quinzaine d'années pour s'adonner à la prostitution, Mame Faty s'est reconvertie en proxénète à cause de son âge avancé. Recrutant des filles qui viennent pour la plupart chercher du travail comme «bonne», elle a loué une maison à Liksar et a eu sous son aile «jusqu'à plus de quatorze jeunes filles», dont trois ont été appréhendées par la police des moeurs mauritanienne. Comme Mame Faty, elles croupissent actuellement en prison. Comme leur (ex ?) «patronne», elles avaient quitté le Sénégal pour la Mauritanie pour faire du commerce. «Aujourd'hui, stigmatise un Sénégalais établi à Nouakchott, elles «vendent» leur corps à la place des marchandises, guidées par la recherche facile de l'argent.»

La plupart des prostituées sénégalaises de la capitale mauritanienne ne pratiquent pas de racolage sur la voie publique, officiellement réprimandé dans un pays qui se veut «islamique». Et qui tient à sauver ses apparences. Les «marchandes de charme» s'adonnent plutôt à des formes plus implicites de commerce sexuel. «Les clients sont souvent reçus dans des chambres de passe individuelle, renseigne une péripraticienne sénégalaise. Il s agit souvent de concessions regroupant plusieurs chambres individuelles, surtout concentrées à Sebkha et El Mina, deux quartiers de la capitale.»

Des concessions qu'il serait hasardeux de définir comme des «maisons closes» dans la mesure où chacune de ses locataires est indépendante, travaille pour son propre compte et ne partage donc pas ses gains avec un (e) chef (taine) de réseau. Les femmes, qui exercent le métier sous cette forme, ont parfois un «ami» qui assure leur sécurité ou, souvent leur «couverture». Ce dernier, qui se fait parfois passer pour le «mari», est, dans la majorité des cas, un homosexuel, désabusé par le contexte social sénégalais et venu en solo en Mauritanie à la recherche d'un marché plus florissant. Des «hommes de compagnie» plus que des proxénètes, dans la mesure où ces hommes, bien que recevant des cadeaux de leurs amies, n'exercent pas directement sur elles de pression liée à leur activité.

«A Nouakchott, le business marche tellement qu'on n'a pas besoin de pression, témoigne Maty, une des «protégées» de Mor, actuellement en prison. Il m'arrivait de passer une nuit très mouvementée, alors je «confiais» quelques-uns de mes clients, qui avaient pris rendez-vous pour le lendemain, à une de mes compatriotes plus jeune et qui ne connaissait pas tellement le terrain.»

La menue Maty ne baisse jamais le regard. Elle vous fixe dans le blanc de l'oeil quand elle s'adresse à vous. Son visage, mangé par mille maux, témoigne de son inénarrable vécu. La quarantaine sonnée, elle est venue, il y a 8 ans, de Pikine (banlieue de Dakar), pour faire du commerce : «Je faisais la navette entre Dakar et Nouakchott. Un jour, les douaniers ont saisi mes marchandises et je suis tombée faillite.» Désespérée, elle succombe à la tentation: «Etant l'aînée de ma famille, il me fallait des ressources pour ma maison. Une copine m'a fait découvrir ce métier qui, aujourd'hui, m'a conduite en prison.» Cruel sort.

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Source: Weekend magazine

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