Connu et respecté pour sa musique à caractère engagé, le rappeur Didier Awadi part cette fois en croisade contre les accords de partenariat économique (Ape) qu’il dénonce avec force dans un clip intitulé : « On ne signe pas ». Dans l’entretien exclusif qu’il a accordé à « La Sentinelle », l’artiste revient notamment sur la campagne Anti-Ape et son combat pour que l’Afrique prenne son destin en main. Didier est de la graine de panafricanistes rares dans un continent où les dirigeants rivalisent de bavardages et…de soumission face à l’Europe mondialisante économiquement et hermétique en ce qui concerne la circulation des personnes. C’est un plaisir d’écouter cette voix rebelle et rafraîchissante.
Au moment où nous réalisons cette interview, des africains manifestent à Bruxelles contre les Accords de partenariat économique (Ape). Vous vous êtes, vous même, engagé dans cette campagne en lançant le clip : « On ne signe pas ». Pensez vous que cette campagne est juste et qu’elle pourra aboutir et faire reculer l’Union Européenne ?
Didier Awadi : Je pense que cette campagne est juste. C’est une campagne qui n’est pas sénégalo-sénégalaise mais Panafricaine. En tout cas, c’est dans ça que je m’inscris. On l’a démarré depuis quelque temps déjà avec le Forum social africain et le forum social sénégalais. Il y a eu une grosse mobilisation durant le Forum social mondial de Nairobi. Ensuite, il y a eu une grosse mobilisation pendant le FESPACO à Ouagadougou. Il y a un mois, nous étions à Bamako pour parler de l’immigration clandestine et des Ape. Pour moi, ce n’est pas un sujet nouveau. C’est vrai que cette date symbolique du 31 décembre fait que tout le monde s’agite, fait que tout le monde s’est agité vers la fin de l’année. Tous les pays Africains. Pour le Sénégal, beaucoup de politiciens ont pris la question en main. Certains pour des intérêts politiques, d’autres de manière plus sincère. On n’est pas dupes. On regarde ce qui se faire. Je pense que le combat est noble. Il est important que nous comprenions les Ape.
Il y a une logique de destruction massive qui se met en place. J’ai fait un morceau pour que les gens comprennent les Ape. Pour que le paysan comprenne, que l’étudiant comprenne… Il est important de comprendre à quelle sauce on veut nous bouffer. Très souvent, ce qui se passe quand il y a de grandes questions nous concernant, les politiciens ou bien les techniciens de ces questions en parlent dans certains endroits, mais les populations ne se sont pas approprié le débat. Même quand Kwame Nkrumah parlait de l’unité africaine, le débat était trop élevé pour que les populations puissent s’en emparer. Après, on avait l’impression que c’était une bande d’illuminés qui parlait alors que c’était très important.
Aujourd’hui, on en reparle et, je pense que cette question des Ape va accélérer le processus parce qu’on voit toute la logique de destruction massive qui est en train d’être menée. Et par l’Asie et par l’Europe, par tout le monde par rapport à l’Afrique qui n’a pas d’outils pour se développer. Ça peut nous permettre une prise de conscience. Que les Africains se disent : on à l’occasion de prendre notre destin en main. L’occasion de comprendre qu’il faut faire des sacrifices pour se développer ; comprendre qu’il faut se tourner à un moment vers notre histoire pour se développer. C’est une occasion historique.
L’Afrique apparaît désunie sur cette question. Certains pays comme la Côte d’Ivoire ou le Ghana ont déjà signé. Comme à son habitude, quand il y a des questions majeures, l’Afrique ne peut pas se retrouver et parler d’une seule voix. Comment l’expliquer ?
D.A : Je pense que l’Afrique est comme tous les continents. L’Europe ne se met pas d’accord sur tout à propos de l’Europe. Il ne faut pas dramatiser. Il n’y a rien de dramatique. Les Européens ne sont pas d’accord, sur tout mais ils enclenchent un processus. Ils font des stand- by. C’est ce qui se passe pour l’Afrique en ce moment. La Côte d’ivoire et le Ghana, qui ont paraphé et non signé ces accords, ont remis tout dans le cadre de la CEDEAO pour qu’elle continue les discussions. C’est bien. Ils avaient fait un pas en avant mais ils sont revenus. On a un devoir de solidarité vis-à-vis de la Cote d’Ivoire et du Ghana. Les accords qu’on leur a fait signer ne sont pas les mêmes. On a un devoir de solidarité avec ces pays qui n’ont pas les mêmes statuts que les nôtres.
L’Ambassadeur de France à Dakar a déclaré récemment dans la presse que certaines erreurs pouvaient être corrigées. Peut on en déduire que l’Europe est prête à revenir sur un certain nombre de points ?
D.A : Je pense que si l’Afrique n’était pas allé dire un gros NON, l’Ambassadeur français n’aurait pas ce discours aujourd’hui. Il se serait bien félicité de la signature des accords. Vu que tout le monde semble ne pas être content, il a fait une sortie pour dire que oui, en effet, peut être qu’il y a des choses à modifier, avec un langage diplomatique pour parler du camouflet. Mais il sait très bien que ces accords là, ce n’est pas pour le bénéfice de l’Afrique et des africains. Il peut avoir un beau langage diplomatique, j’ai lu son interview dans « le Populaire », mais je trouve qu’il a dit plein de choses et le contraire dans le même article. Il reconnaît qu’il y a des insuffisances mais que c’est perfectible.
Il faut aller plus loin que cette situation des Ape. Je n’en suis pas seulement aux Ape. Si on voulait une preuve qu’il y a une volonté manifeste qu’on ne se développe pas, maintenant, nous l’avons. Une preuve écrite. C’est à nous de nous réveiller, de commencer à faire du Sud-Sud, de développer nos industries, nos micros industries. De développer nos économies. Le protectionnisme qui existe en Europe, qui existe aux Etats-Unis, nous aussi on y a droit. On a le droit de se protéger.
Pourquoi a-t-on l’impression que Didier Awadi est le seul musicien sénégalais à se prononcer sur ces questions ?
D.A : Je l’explique peut être par le fait que j’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment. Des personnes comme Aminata Traoré où Tawfik Ben Abdallah qui m’ont parlé de toutes ces questions. Le forum social sénégalais ou le forum social mondial traitent de ces questions depuis longtemps. C’est au contact de ces personnes que j’ai pu avoir très tôt l’information. Ils nous ont formé là-dessus. On a fait des ateliers, des workshops pour qu’ils nous donnent des clés de compréhension. On leur a dit : on n’est pas économistes, vos histoires là, ça a l’air compliqué. Ils nous ont dit non, en décodé, ça veut dire ça, avec des mots simples pour qu’on puisse comprendre. C’est par rapport à ça, une fois qu’on a compris et qu’en âme et conscience on adhère à une démarche, qu’on a commencé à en parler. Mais il y en a d’autres qui s’activent. Parmi les rappeurs sénégalais, il y a Doug E Tee, les gens de Daara J, les gens de Da Brains, Xuman, Nix. On a fait un morceau ensemble par rapport aux Ape. Il y en a beaucoup d’autres qui s’intéressent à cette question. Notre initiative a peut être seulement été la plus visible.
Vous avez déclaré ne pas avoir attendu les politiques pour commencer à dénoncer les Ape. Etait ce une manière de vous démarquer de ces derniers et d’éviter toute tentative de récupération politique?
D.A : J’en ai parlé avec des politiques du pays qui ont apprécié la démarche. Sur ce point précis, nous avons des points de vue convergents, mais ça ne change pas ce que l’on est profondément. Maintenant, c’est clair qu’il y aura des tentatives de récupération politique. Tu ne peux pas dire à un poisson ne nage pas. Les politiciens essaieront toujours de tirer la couverture de leur côté, mais on reste vigilants. Sur cette question, on peut applaudir le Président, mais sur d’autres questions, si on est mécontents, on le dira. Je pense que c’est ça aussi la démocratie. Ça montre aussi, si besoin était, qu’on n’est pas énervé toute l’année, et qu’on peut s’énerver sur beaucoup d’autres choses uniquement sur le plan national. C’est notre rôle de veille en tant qu’artistes militants. On aimerait être panafricanistes. Donc, devant une question pareille, nous ne pouvons pas nous taire. Maintenant, si des gens essaient de récupérer ça, on n’y pourra rien.
Il y a un an et demi, au moment où l’on parlait beaucoup de Barça ou Barsakh, vous vous étiez engagé dans la lutte contre l’émigration clandestine. Aujourd’hui, vous récidivez avec les Ape. Awadi, c’est un militant des causes perdues ou de celles qu’il estime faire partie du combat des africains ?
D.A : Je pense qu’il n’y a pas de causes perdues. Pour moi, ce sont des causes nobles. Je fais de l’activisme musical, c’est comme ça que j’aime appeler le concept. Quand on a la chance d’être écouté, on doit faire quelque chose de bien. Quelque chose de constructif. La critique ne peut que faire avancer nos sociétés. On a un rôle critique par rapport à tout ce que l’on vit, tout ce que l’on voit. On est là comme tout le monde. On n’est pas issus de milieux favorisés. Moi, je suis fils d’enseignants. Père et Mère. J’ai une bonne lecture de ce qui se passe au dessus et en dessous de moi. On doit pouvoir faire une synthèse et avoir aussi une volonté de mieux vivre pour nous même et pour ceux qui nous entourent. C’est ce qu’on exprime. Il ne s’agit pas de se rattacher à chaque fois à une cause perdue. On ne vit pas pour les causes perdues. Mais quand on sait qu’il y a une cause qui est noble et qui peut nous faire évoluer, on a le devoir d’agir. Si tu vois un danger, tu as le devoir de faire quelque chose. Sinon, tu seras complice demain. L’histoire retiendra que tu le savais et que tu n’as rien dit.
Quand on regarde votre studio, avec les portraits de Che Guevara, Lumumba, Cheikh Anta Diop et tous ces grands personnages sur les murs, on revient au panafricanisme. Tous ces grands personnages qui vous entourent. D’où vous vient cette culture ?
D.A : C’est le fruit de lectures, de rencontres avec des gens intéressants qui m’ont fait découvrir de nouveaux livres, de nouveaux films. C’est vrai que mon père était professeur d’histoire. Il y en a qui vont préférer collectionner des voitures, des Rolls Royce. Nous on aimerait bien collectionner des films sur Sankara, sur Lumumba et comprendre leur vie. Je pense qu’on en tire beaucoup d’enseignements, à un moment où on a un problème de référence en Afrique. On essaie de trouver le référentiel et les références pour bien vivre en tant qu’Africain en 2008.
Quelles incidences pourraient avoir les Ape sur le plan des arts et de la culture ?
D.A : Par exemple, s’il y avait une petite société qui dupliquait des cassettes, tu auras une autre grosse société, bien structurée, qui va venir proposer des services beaucoup plus perfectionnés et à moindre coût. A partir d’un certain moment, notre El Hadj Ndiaye ne pourra plus vendre ses cassettes ou ses Cd. Il va être dépassé tout simplement. Ça va être pareil dans tous les domaines. Les gens vont venir avec des produits manufacturés, bien présentés, moins chers, parce que subventionnés souvent là bas. Les surplus de production seront envoyés ici et les petites sociétés ne pourront plus suivre.
Tiken Jah Fakoly a été décrété persona non grata au Sénégal, suite à des propos sur le pouvoir en place. Comment interprétez cette réaction des autorités sénégalaises ?
D.A : Je pense que les autorités sénégalaises ont eu une réaction disproportionnée et inopportune. Vraiment, ça ne servait à rien. Ça crée juste un zoom sur le Sénégal pour que les gens se disent : mais qu’est ce qui se passe, qu’est ce qu’on a pas le droit de dire, qu’est ce qu’il a dit ? On se rend compte qu’il a touché le sujet sensible du pays. Aujourd’hui, le pays accueille l’ANC, le PAIGC, la rébellion armée Ivoirienne, tous ces gens viennent ici s’exprimer et on ne leur dit rien. On ne leur parle pas de droit de réserve. Mais quelqu’un vient pour une liberté de ton, parce que ce n’est pas l’expression qu’on lui reproche, mais le ton, et il est non grata. Ça fait honte, en tant que Sénégalais, dans le pays où en plus, la liberté d’expression est génétique. C’est techniquement impossible de dire à un sénégalais de la fermer.
Ces choses ne sont pas à faire ici. Je pense donc que le Ministre qui a pris cette décision doit avoir le courage de revenir dessus. Elle ne fait pas honneur au Sénégal, elle ne fait pas honneur à la Téranga sénégalaise, à l’esprit d’Union Africaine. Au moment où on a envie de montrer notre esprit panafricaniste, ça va à l’encontre de ce qu’on veut faire. C’est un scandale. On ne peut pas dire que l’on va renforcer la CEDEAO et ne pas laisser l’un de ses ressortissants s’exprimer. Liberté des gens, mais vous fermez votre gueule.Non, faut pas déconner.
Il nous est arrivé d’entendre des rappeurs dire que les médias publics, particulièrement la télévision, ne leur accordent pas la place qu’il faut par rapport aux autres genres musicaux. Peut on parler de « dictature » du Mbalax ?
D.A : Non, je ne pense pas qu’il y ait une dictature du Mbalax. Le Mbalax est prisé par les populations. Les animateurs mettent ce que les populations veulent écouter. Si on fait de la bonne musique, que ce soit du rap, du Mbalax ou du slow, si c’est bon, les gens vont mettre. Un animateur lui, a envie que les gens suivent son programme. Je pense que c’est à nous d’accepter de nous remettre en question si on n’arrive pas à breaker le marché. En radio, on le fait, en télé, on peut y arriver. Mais, c’est avec une super qualité de production. Mais comme dans notre corporation nous ne sommes pas très riches, nos vidéos ne sont pas de très bonne qualité et dans le Mbalax, ils ont un peu plus d’argent, donc ça se ressent dans leurs productions vidéo. Ils sont un peu plus diffusés. Chaque fois qu’il y a un bon produit, les gens le mettent.
Cela ne tient-il pas aussi au fait que les textes des rappeurs sont plus cinglants vis-à-vis des pouvoirs en place, disons pas toujours politiquement corrects ?
D.A : C’est vrai qu’ils ont peur du côté explicite de nos paroles. C’est vrai que ça fait peur. Par exemple, certains de mes morceaux ne passeront jamais à la télévision nationale. Même sur d’autres télés, les gens feront attention. Ils me le disent. Ils disent, Awadi, tu es mon pote, mais je ne mettrai jamais ça, sinon je me fais virer.
Mais n’est ce pas un combat démocratique que toutes les musiques soient entendues dans les radios publiques ?
D.A : Oui c’est un combat démocratique. Mais je ne peux pas leur jeter la pierre parce que je sais qu’ils font de vrais efforts. Aujourd’hui toutes les radios font des efforts, les télés font un effort. On me consulte souvent sur ces questions. Je ne veux pas dire qu’ils nous ont mis à l’écart. Je pense que ce ne serait pas juste de leur faire ce procès. Je pense plus à nous. On devrait apporter plus de qualité, d’esthétique dans ce qu’on fait.
Quand on regarde la nouvelle génération qui émerge dans le Rap sénégalais, on a l’impression qu’elle s’inspire surtout de ce qui se fait aux Etats-Unis. La marque de fabrique Sénégalaise n’est elle pas un peu en train de se perdre ?
D.A : Je ne peux pas leur faire ce procès. Nous mêmes, quand on est venu, on a copié la musique américaine. Eux aussi, ont le droit d’arriver et d’apporter leur feeling. Ça va se perfectionner, ça va se tropicaliser, mais on ne peut pas leur dire qu’il faut faire comme nous. Est-ce que c’est nous qui avons la vérité ? Peut être que c’est eux qui ont la vérité. C’est le genre de procès que tu ne peux pas faire. Quand on a commencé, on copiait les américains. Au début on rappait en français et en Anglais. Même pas en wolof. Il a fallu qu’un de nos grands qui n’avait rien à voir avec le rap vienne nous critiquer pour qu’on commence à rapper en wolof. Il faut que chaque génération vienne et fasse son truc. Les gens qui font du Mbalax aujourd’hui, faisaient de la Salsa. Ils copiaient les Cubains et ils étaient bien contents. Des supers rappeurs, il y en a plein au Sénégal. Maintenant, il reste à voir comment créer son image, développer son image, vendre son image.
Techniquement, les rappeurs sénégalais ont-ils les moyens de développer des produits de qualité ?
D.A : Techniquement, le rap est devant toutes les autres musiques. Presque tous les rappeurs ont leurs studios, leurs « home studio ». Ce qui n’est pas le cas du chanteur moyen de Mbalax. Aujourd’hui, le rappeur sait monter artisanalement son clip. Il a le matériel pour le faire. Les outils existent. Aujourd’hui, avec un PC, un Pentium 4, on peut faire ce que l’on veut. Il suffit de savoir manipuler les logiciels. Mais c’est là que se situe le problème. On a un besoin de formation. Si tu as l’outil, c’est bien, bien l’utiliser, c’est mieux.
On se rappelle qu’en 2005, vous aviez sorti un album intitulé : « Un autre monde est possible ». Quand on voit avec les Ape que l’Europe continue à tenter d’imposer sa vision du monde à l’Afrique, comment arrive t-on encore à croire qu’un autre monde est possible ?
D.A : Tout cela vient conforter l’idée qu’un autre monde est possible. Un monde où ce n’est pas seulement l’Europe qui doit venir amener ses pacotilles et te dire voilà la pacotille, tu dois consommer ça, c’est bon pour toi. Une autre Afrique est possible. Une Afrique qui prend son destin en main. Qui se dit qu’elle a besoin d’une monnaie unique et qui ne sera pas celle que les Européens nous donnent. Ce sera notre monnaie, ce sera notre marché. On va développer notre économie, nos industries, notre agriculture. Tout ça nous prouve que c’est possible. Tout ça va accélérer le processus. Beaucoup de gens sont alarmés mais moi je suis content. En criant : un autre monde est possible, nous n’avons pas crié dans le vent. Aujourd’hui, les gens ont vu de quoi on parlait. La menace, ce n’était pas une menace en l’air.
C’était une menace écrite, programmée. Quand la Banque Mondiale est venue avec des programmes d’ajustement structurels qui n’étaient pas adaptés, tu as beau crier, on te dit d’arrêter. Ils disaient qu’ils nous apportaient le développement. Tous ces programmes, quel développement ça a amené ? Ça a créé la misère. Mais où est notre point de vue là dedans ? On n’a jamais eu notre point de vue qui a été pris en compte. A un moment, il faut qu’on ait notre point de vue. Et si on ne te donne pas la parole, tu la prends. S’il le faut tu l’arraches. Aimé Césaire dit que l’indépendance ne se donne pas. Elle se prend, elle s’arrache. Elle se paie en sang et en cadavres. Tant que nous ne croirons pas en ça, et que nous continuerons à croire qu’on va venir nous donner l’indépendance avec pleins de bisous, on va dormir longtemps.
Aujourd’hui, on nous met en tête l’idée que l’on doit être des pays émergents…
D.A : Le plus grave, c’est que les gens se battent pour être pays moins avancés. Tout le monde fait tout pour pouvoir rentrer dans le cadre des pays moins avancés pour qu’on puisse l’aider. Ils ont créé des primes pour les plus pauvres. Si tu es bien pauvre on va t’aider. Il y a des primes à la misère. Je pense qu’on vit une accélération de l’histoire. Que l’on en soit conscient ou pas. Ça va amener les choses à changer très rapidement. Pourquoi, nous, on fait beaucoup de bruit, on essaie de faire des morceaux ? C’est pour que les populations s’emparent de ces questions. Parce que l’on sait que les politiques ne sont plus crédibles. Les gens qui font de la politique, en ayant un vrai programme basé sur des idéaux, basé sur des convictions, il y en a très peu. Si on nous demande quel est LE leader africain aujourd’hui, on a du mal pour le désigner. Un leader africain digne, derrière lequel tout le monde pourrait se mettre sans réfléchir. On a un problème de leaders.
Un mot sur votre prochain projet ?
D.A : La sortie de mon album : « Présidents d’Afrique », vers le mois d’Avril. Il y a un film documentaire et un site Internet qui vont avec. Le thème autour de cet album, c’est l’unité Africaine. L’unité du peuple noir, des peuples noirs. Il n’y a pas un peuple, il y a des peuples noirs, il y a des Afriques. Mais c’est que nous nous considérons comme étant des Présidents d’Afrique. Dedans, il y a des gens qui n’ont jamais exercé la fonction. Comme Cheikh Anta, Malcolm X, qui n’est pas Africain, Aimé Césaire, qui n’est pas d’ici, tu as Martin Luther…
Et parmi ceux qui ont exercé la fonction ?
D.A :Oui, il y a Sékou Touré, Modibo Keita, Sankara, Nkrumah…On a pu avoir beaucoup de leurs discours en Audio et en vidéo. On va les mettre à la disposition du public, gratuitement, sur un site Internet. Les gens pourront tout télécharger. Quand on a fait nos recherches sur 5 ans, on s’est rendu compte que toutes ces archives ne sont pas en Afrique. C’est à RFI que l’on en a eu beaucoup, ou chez des collectionneurs, des privés. Je suis allé jusqu’au siège de l’Oua. Dans la salle de leurs archives, il n’y a rien. Tu te rends compte ? Rien sur ces grands hommes. Ils nous ont même demandé si on pouvait leur donner…
Source: La Sentinelle
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